Du 15 février au 4 avril 1979

Publié le par André Gintzburger

15.02.79 – Je ne pense pas que le PLATONOV de Garran soit le meilleur de ceux qui ont fleuri sur les scènes européennes depuis la « découverte » de l’œuvre par Vilar en 1956. Mais je ne pense pas non plus que cette pièce de jeunesse, longtemps laissée pour compte dans les tiroirs de Tchékhov, soit la meilleure de l’auteur des TROIS SŒURS, de LA MOUETTE ou d’ONCLE VANIA. En vérité, on est loin d’y trouver la même valeur émotionnelle parce que, si déjà on y rencontre les types de personnages qui seront familiers de l’univers de Tchékhov, fantoches d’une Société en train de s’effondrer, ceux-ci n’ont pourtant pas l’épaisseur qu’on rencontre chez ceux qui entourent IVANOV, par exemple. Et le personnage central n’attache guère, parce que l’essentiel en lui n’est pas, qu’ayant eu de belles espérances, il n’est devenu qu’un modeste instituteur de province -l’aspect « raté » n’est qu’anecdotique  au lieu que chez Ivanov il est essentiel- : Platonov est un « tombeur de filles » et son aventure mal étayée sur une densité humaine, tourne carrément au mélo pendant les laborieux et maladroits 4e et 5e actes. Bien sûr, la mise en scène absente de Garran n’aide pas à trouver des clefs dans le non-dit, et le choix qu’il a fait de Niels Arestrup pour jouer le rôle n’est sans doute pas heureux profondément. Avec lui, l’aspect « petit instituteur médiocre » est gommé. L’attrait qu’il exerce sur les femmes est en gros plan exclusif. Christophe Gintzburger fait dans ce spectacle une inestimable entrée au théâtre dans le rôle de l’étudiant agressif. LUI réussit une silhouette que les autres comparses, malheureusement livrés à eux-mêmes, ne font qu’esquisser. La pièce arrive quand même à passer à peu près. Le génie de Tchékhov s’y annonce et l’emporte malgré Garran.

17.02.79 – Je pense qu’à l’époque de Meilhac, Halévy et Offenbach, la monstruosité du contenu de la PÉRICHOLE ne devait pas être éclatante. Certaines remises en question de l’ordre établi n’étaient pas encore, de leur temps, venues pour démystifier certains gros mensonges, et il est certain que pour les spectateurs du temps, l’action de la comédie se situait en Eldorado, au Pays de l’or et de la joie de vivre, sous la houlette d’un vice Roi absolu mais bon prince, ancêtre des dictateurs dont l’Europe a si souvent fait ses gorges chaudes, parlant de l’Amérique latine.
De nos jours, la fin qui pousse une chanteuse de foire à se prostituer, quand la chance lui est offerte d’entrer dans la couche du Souverain, prend de l’importance et le livret n’apparaît plus seulement comme délicieusement fripon. Le fait qu’il se charge de signifiance ne lui ôte, d’ailleurs, rien de sa légèreté ou de son comique. C’est en riant que nous assistons à ce plaisant divertissement qui, en vérité, masque ce qui devrait être un drame, ce qui le serait, traité autrement.
Jacques Livchine et le Théâtre de l’Unité new look qui nous proposent à Saint-Quentin en Yvelines cette opérette n’ont pas eu grand-peine à lui imprimer sa signifiance. Il leur a suffi de replacer l’intrigue dans son contexte péruvien : sur la place de Lima (dont on a gommé l’Espagnolade) une foule prostrée vêtue couleur de sable constitue le fond de l’environnement : elle ne participe pas à l’action qui ne la concerne en rien. Elle est témoin passif et indifférent. Toute une faune évolue aussi entre les protagonistes : un lama, une chèvre savante, des lapins frétillants, des colombes. Le cadre étant ainsi tracé, il ne reste qu’à laisser l’ouvrage s’exprimer joyeusement. A-t-il fallu même accentuer les ridicules des « grands » et du fantoche au pouvoir ? Ils semblent « traités » à la manière Besson, mais en vérité leurs personnages sont d’entrée de jeu si caricaturés que les acteurs n’ont qu’à se laisser porter.
Acteurs et non chanteurs. Là le bât blesse un peu. Plus que dans la version allemande de Savary dont le souvenir m’est toujours présent, j’ai été frappé par la faiblesse des voix, par la mollesse et l’insuffisance de l’orchestre. Les pirouettes et les lazzis ne suffisent pas pour masquer que la joliesse mélodique de la partition est souvent rudement malmenée. C’est d’autant plus frappant que les airs sont célèbres. Qui ne les a entendus enregistrés ailleurs ?
Dommage, car la belle humeur de l’entreprise est pleine de santé et la soirée fleurait bon le sympathique. Il faut dire que le texte est croustillant et, tout compte fait, singulièrement moderne… Il faut relire les opérettes…

19.02.79 – Un soir viendra où « Paris », lassé soudain des jeux du Groupo TSE, offrira un insuccès à l’équipe d’Alfredo Arias. Ce soir est-il venu avec la Générale au Théâtre Montparnasse de l’ETOILE DU NORD ? Je me garderai de pronostiquer, n’ayant point reçu les confidences des princes de la plume qui font et défont les gloires. Comme après LES PEINES DE CŒUR D’UNE CHATTE ANGLAISE, je suis perplexe. Un peu plus inquiet quand même car ici le dosage me paraît moins subtilement conçu. Il y manque les masques. Il y manque une anecdote qui, quoique gentillette à l’extrême, recélait pourtant son petit peu de contenu social. Il y manque du charme et , pourrait-on dire, que les personnages soient « incarnés ». Mais cette gratuité dans la ligne de COMÉDIE POLICIÈRE plaira peut-être. N’oublions pas qu’ils étaient nombreux dans la salle ceux qui hier soir DÉCOUVRAIENT (n’ayant JAMAIS fréquenté NOTES, VIERGE, LUXE, DRACULA), la froideur de la mécanique à l’état pur chère à Alfredo Rodriguez Arias. Ceux-là pourraient en avoir été éblouis.
L’ÉTOILE DU NORD, c’est le train Paris Bruxelles. Il pourrait y avoir un deuxième degré car, m’a-t-on dit, c’est aussi le train le plus célèbre d’Argentine, celui qui, à travers les provinces du Nord, va jusqu’en Bolivie.
Un porteur de gare (Facundo Bo) maqué à une tapineuse de salle des pas perdus, (Marilu Marini), s’endort sur son quai désert auprès des wagons vides du train de luxe. Il rêve. Au fait, QUI rêve ? LUI ou ELLE ? Dans une séquence brève, nous la voyons, dans un compartiment, elle aussi s’endormant, et entreprenant de rêver. Ce rêve, c’est qu’elle est chargée de passer à la frontière une valise pleine de dollars, produit d’un hold-up. Le gangster (Alain Salomon) a promis de l’épouser à Paris (le voyage se fait dans le sens Belgique France au siècle précédent, si on en juge par les costumes). En vérité, chacun cherche à tirer son épingle du jeu et il y aura hécatombe.
Une inquiétante « famille » s’installe dans le compartiment avec un père noble (Larry Hager), une tante (Jérôme Nicolin), une épouse (Michèle Loubet) et un affreux jojo (Jacques Jolivet). On ne saura jamais qui est qui, qui fait quoi, et pourtant chacun agira comme s’il savait ou se doutait. La logique du déroulement de l’« action » est celle du rêve, c’est-à-dire qu’elle nous est comme « parallèle ». Le spectacle est d’autre part déroutant.
Les pièces du puzzle dans le déroulement chronologique de l’anecdote ne sont assemblées qu’après l’entracte. Toute la première partie est une série de flashs saisissant les personnages à différents moments et en tant que tels ou que ce qu’ils incarnent déguisés. Le suspense est toujours cassé par l’insolite.
Bref, on le voit, c’est un divertissement intellectuel qu’on accepte ou pas comme tel. D’où l’incertitude qui pèse sur le verdict. Car c’est de l’ouvrage bien faite. La bande sonore est cinématographique dans son réalisme musical et ses bruits. Les décors d’Emilio Carcano sont remarquables et spectacle par moments à eux seuls. Ils ont d’ailleurs tous été applaudis. Comme les acteurs, après qu’on se soit aperçu à la fin qu’ils appartiennent tous au petit monde des libraires et marchands de limonade des quais de gare.
C’est que chacun y va de son numéro, deux d’entre eux se faisant plus spécialement apprécier : Jacques Jolivet et Larry Hager.
Ils s’y sont mis à trois pour pondre la pièce : Geneviève Serreau, Julian Cairol et Alfredo. Il aurait peut-être mieux valu une seule plume d’un vrai poète.
Bon. Alors. Et moi ? Qu’est-ce que je pense ? Bah ! « E Brevi », comme aurait dit Grassi ! C’est mincet. Ce n’est certes pas « utile ». Est-ce « divertissant » ? Un peu mais sans trop. Je ne me suis guère intéressé à ce jeu de l’esprit. J’ai ri mais pas beaucoup. Je ne me suis pas ennuyé. L’entreprise est vaine. Comme ces machines gadgets qui tournent sans servir à rien.

22.02.79 – Abandonnant son exploration de la révolution portugaise, et semblant ainsi faire allégeance à ceux qui souhaitent que nos jeunes metteurs en scène fassent ce qu’ils veulent, pourvu que ce ne soit pas politique, Richard Demarcy propose au Centre Pompidou sous le titre « DISPARITIONS », un spectacle inspiré par LA CHASSE AU SNARK « et autres textes de Lewis Carroll ». Cette incursion dans l’univers de l’imaginaire permet d’apprécier le talent du réalisateur qui a su, au départ d’un matériau, l’eau, créer un univers qui évoque fidèlement l’épopée maritime décrite par l’auteur anglais.
La scène est transformée en une vaste piscine de vingt mètres sur dix au moins. Entendez bien qu’il doit y avoir à tout casser cinq centimètres d’eau, mais cela suffit pour donner l’atmosphère sans que soient entravés les pas des acteurs. Sur cette étendue qui reflète joliment les projecteurs, est plantée la tente des chasseurs. Il y a aussi une machine à coudre rétro, une auto noire des années 50, un billard aux boules brillantes, une table de boucherie, un tuyau d’arrosage qui sert à arroser l’eau. Les dits chasseurs sont six hommes : l’avocat, le boucher, le boulanger, le banquier, le capitaine et le Castor. Ils ont tout le temps les pieds dans l’eau et s’y vautrent aussi. On ne peut pas s’empêcher de penser aux rhumes que risquent les acteurs.
En vérité, le spectacle ne comporte pas d’« histoire intrigue ». Chaque personnage a sa densité. Il s’agit d’une fin de course. Les rapports sont établis entre chacun, faits d’une certaines complicité illogique.
C’est curieux, à quelques soirs près le fonctionnement rappelle un peu celui d’ETOILE DU NORD. Je vais me demander s’il faut chercher un sens à cette irruption sur nos scènes d’un monde irréel paré des plumes du réel, ce qu’on pourrait appeler le réalisme insolite. Théâtre d’évasion ? Théâtre de refuge ? Théâtre d’attente ? Richard Demarcy a en tout cas maîtrisé esthétiquement son propos. Son dispositif est beau, ses acteurs sont disciplinés, convaincus et plausibles. Ils savent faire rire. Son utilisation du matériau liquide est plus habile que celle de Chéreau naguère dans MASSACRE A PARIS.
Et le message est peut-être à trouver dans le fait que cette chasse à un animal mythique aurait un rapport avec l’histoire tchèque bien connue : « Nous marchons main dans la main vers l’horizon du Socialisme. », clament les affiches. « Définition de l’Horizon », disent les contestataires : « Ligne imaginaire qui se déplace en même temps que nous »… à moins que l’humour de notre révolutionnaire assagi ne l’ait incité à paraphraser la charade : mon Premier est une salade, mon Deuxième aussi et ainsi de suite jusqu’au huitième. Mon tout est un auteur anglais célèbre. Solution : les huit scaroles… Lewis CARROLL

25.02.79    Le dessein de SENS à l’atelier du Chaudron est clair : il s’agit d’une rencontre d’amoureux, d’un accouchement, d’une naissance, d’une éducation, d’une émancipation progressive rythmée par l’angoisse d’une maladie.
A la fin, l’enfant quitte ses vieux et se mêle au public. Cette trame très simple conçue et exécutée (je cite PARISCOPE parce que le papier qu’on vous donne à la Cartoucherie est tout à fait anonyme) par Filipe, Sahybba et Tanith, est montrée en pantomime rétro (les costumes sont de l’époque de la CASE DE L’ONCLE TOM en style colonial américain), à grand renfort de sons produits par les voix et des instruments « primitifs ». On joue beaucoup avec des grands morceaux de tissus. L’enfant qui naîtra au terme d’une sorte de danse bien rythmée sortira de dedans un grand drap. Quand on le croira mort, une chappe de plastique l’ensevelira. Une longue écharpe cordon ombilical se déroulera. L’ensemble est assez pauvre, non seulement au niveau des matériaux employés mais à celui de l’imagination, et le jeu de ce garçon et de ces deux filles n’est pas aussi professionnel qu’il le faudrait. Avec un sujet aussi élémentaire, comment se contenter d’un à peu près esthétique ?
Curieusement, sans que rien dans le texte (très bref) l’indique, il semblerait que l’atmosphère soit quelque chose comme antillaise ou autre exotique.

01.03.79 – PAUVRE B…, c’est « Pauvre Baudelaire », vivant dans la misère à Bruxelles aux confins de la folie, et c’est « Pauvre Belgique », qui en prend un bon coup quand le poète parle d’elle.
Patrik Rogiers, du « Théâtre Provisoire », a assemblé les textes où il s’exprime impitoyablement et lucidement sur son Pays. C’est le comédien Idwig Stéphane qui incarne l’homme de quarante-cinq ans rongé par la syphilis et la crainte que son œuvre ne soit un échec, tournant en rond dans une chambre que seule meuble une armoire, et maugréant contre le climat physique et moral du Pays. Il est « saisissant » et même effrayant d’exactitude. On a tellement l’impression que métier, habitude et aliénation se mêlent dans la composante de son « jeu », qu’on est un peu sur la défensive. La ressemblance avec Baudelaire (on songe aussi à Malraux) est très réaliste de surcroît, et la transpiration visible qui trempe l’interprète à la salle Jean-Marie Serreau surchauffée du T.G.P. achève de donner un sentiment de malaise. Mais c’est un compliment : il ne serait pas bon qu’une telle exhibition soit rassurante.
Le texte, étonnant de modernité, n’est d’ailleurs drôle que de temps en temps, et on est plus généralement saisi qu’amusé. Je comprends que la performance ait fait un malheur ,à Bruxelles pour certaines raisons, à Saint-Denis, pour d’autres.

05.03.79 – Comme BAAL, comme DANS LA JUNGLE DES VILLES, comme TAMBOURS DANS LA NUIT, L’OPÉRA DE QUAT’ SOUS repose sur un texte fragile. Le jeune Brecht n’avait pas encore des convictions politiques précises et son anarchisme avait, vers les années 30, un petit goût de mode. En tous cas, les médias du temps firent un sort à cet opéra au livret pas très dérangeant : l’affrontement entre deux pôles de la pègre, le syndicat des « pauvres » et celui du « crime » avec comme médiateur le monde des putains, ne démontait en effet aucun mécanisme du Capitalisme. L’amour possessif de Polly pour Mackie était exemplaire de conventionnalisme petit-bourgeois. L’amoralité du surineur s’intégrait dans le code de l’honneur du « milieu », et comme de juste, la trahison venait de la femme de mauvaise vie.
Brecht avait décrit un univers exotique, étranger, existant certes quelque part entre les bas fonds de Londres et ceux de Chicago. Pabst, dans son film célèbre, avait bien montré que la contestation contenue n’était pas sérieuse et qu’elle s’adressait au sens de la compréhension de la classe dominante puisque, faisant voir la manif des Pauvres à Buckingham Palace (que le théâtre doit se contenter d’évoquer), il avait entre autres mis en gros plan une pancarte qui disait : « Nous aussi, Dieu nous a fait à son image ». A dire le vrai, le DREI GROSCHEN OPER est un ramassis des clichés en vogue avant la montée du nazisme et le succès de l’œuvre, soyons clair, fut dû pour 90 % aux chansons et à la musique de Kurt Weill. Certes, cette musique date. Elle est située chronologiquement, mais elle se laisse encore entendre avec bonheur. Kurt Weill a réalisé là ce qu’il a fait de mieux.
Les Allemands de l’Ouest affectionnent le Brecht de cette époque où le futur auteur de l’EXCEPTION ET LA RÈGLE cherchait sa voie dans une certaine confusion. C’est pour eux une manière de s’approprier le maître à penser des théâtreux de la R.D.A. Naturellement, ils jouent à fond la carte de l’ambiguïté. Chaque réalisateur se doit d’étonner quelque part, et tous les « traitements » sont permis. Les héritiers de Brecht, intraitables sur certaines pièces qu’ils jugent essentielles, laissent faire pour celles-là.
Hans Peter Cloos, à la claudication près, a le physique de Goebbels. Je crois qu’il a l’âme profondément fasciste. Le goût de la violence se marque surtout dans la façon très militariste germaine dont il a traité certains songs, avec une virilité qui ne masque pas une certaine homosexualité. En contrepoint, certains autres sont infléchis par le Romantisme, éclairages aidant. Le pessimisme baigne le déglinguage des sons qu’il a imprimé à la fin. Passons sur le factotum Filet montré en chemise brune à la Hitlérienne et ne faisant pas de justesse le salut main tendue ! Passons sur l’érotisme très berlinois des filles qui semblent ne savoir vivre que les jambes en équerre !
En vérité, il y a deux metteurs en scène en Hans Peter Cloos : celui qui traité ces songs, avec exactitude, précision, aidée par une admirable orchestration enregistrée de Jürgen Tamchina et par des artistes aux voix superbes. Et là se déverse tout le trouble de son « nostalgisme » droitier. Quant à celui qui s’est occupé des scènes dialoguées, son inexistence m’a surpris et l’ennui s’est infiltré, hélas largement, par les brèches de celui-là ! Spectacle antipathique et longuet, c’est finalement le souvenir que je garderai de cette entreprise bien parisienne à laquelle la FNAC est mêlée.

07.03.79 – Dans la pénombre, on distingue deux corps allongés. Nus. Un homme, dont on pressent, à son phrasé, qu’il n’est pas tout à fait blanc ; une femme, dont la chevelure blonde trahit la race. C’est le moment d’après l’amour, le moment où les couples parlent. Cet amour est « coupable ». A deux titres. L’homme est adultère. Il trompe sa femme. Surtout, il est noir et elle est blanche et nous sommes en Afrique du Sud. Les fugitives étreintes entre l’instituteur du quartier réservé et la bibliothécaire de la ville blanche ont été observées, dénoncées à la Police. Les deux coupables vont donc faire l’objet d’une INCULPATION POUR VIOLATION DE LA LOI SUR L’IMMORALITÉ.
L’écrivain africain blanc Athel Fugard poursuit avec courage –car il habite dans son Pays, car il n’est en rien un émigré- son combat contre le racisme. On lui reproche, parfois, de se contenter de peu, littérairement parlant. Je dirai que la forme a assez peu d’importance car l’intérêt du spectateur va au contenu d’abord.
Mais de surcroît, ce combat est vain, car pourquoi faudrait-il que cet isolé, qui lutte politiquement, soit EN PLUS un esthète selon nos critères bien parisiens ? Son théâtre est un théâtre d’aliénation ? Et alors ? Y a-t-il place pour une réflexion « brechtienne » quand la chose dénoncée devrait faire l’unanimité ? Athel Fugard montre une anecdote. Un fait divers de son Pays. Il nous montre d’abord le couple, mal dans sa peau, inquiet, prêt à rompre parce que ça n’est pas possible de s’aimer dans ce contexte. Et puis, après ce débat au premier degré, où rien n’est théorique, où tout est éprouvé, voici l’irruption minutieusement contée par le flic de service, de l’ « ordre ». Exposé de commissariat avec flashs sur les « criminels ». La pièce s’achèvera sur deux poèmes exprimant chacun la solitude retrouvée.
Edwine Moatti a monté l’œuvre avec beaucoup de conviction. Elle est très bien aidée par Catherine de Seynes, dont la nudité, faut-il le dire, est parfaitement pudique, et par Miloud Khetib, dont la nudité est, pourrait-on dire, démunie. Ils jouent « tranche de bifsteack saignant » avec émotion et sincérité. On les écoute. Si un jour vous cherchez un acteur pour jouer un inspecteur de police à tête de brute tarée, et pourtant baraqué, pensez à Olivier Hémon. C’est un nom à retenir. Il est parfait. (Petit TEP)

La pièce d’Athel Fugard actuellement à l’affiche parisienne m’a moins directement concerné en ce sens qu’elle traite d’une gravissime conséquence de la politique d’Apartheid : le racisme existant ENTRE les sous races victimes du régime blanc. Celles-ci ont établi une hiérarchie entre elles et les métis ne veulent pas frayer avec les noirs. C’est, bien sûr, épouvantable. Cela dénonce le système plus impitoyablement peut-être que la pièce d’hier soir, car cela rend soudain apparent que le monde n’est pas coupé en deux, mais en trois, quatre, dix, cent, mille catégories raciales se définissant les unes par rapport aux autres en termes de mépris. Pourtant, je me suis, en l’occurrence, senti touriste et cela s’explique aisément : aucune des deux parties en présence n’est de ma caste. Et je ne suis pour rien dans le processus décrit. Du moins, dans la pièce BOESMAN ET LENA, rien ne M’ACCUSE. Le minable combat, qui oppose les pauvres hères décrits, n’aurait certes pas eu lieu si les bulldozers de l’hommes blanc n’avaient chassé les uns comme les autres de leurs bidonvilles. Mais ce point de départ n’est qu’évoqué.
L’important, c’est que Boesman, mâle phallocrate ivrogne, supporte mal la pitié qui saisit Léna envers un vieux noir plus mal loti qu’eux encore. Cette anecdote m’est restée étrangère.
La mise en scène de Roger Blin, le jeu de Robert Liensol et Toto Bissainthe, complètement naturaliste et boul’ d’hum, y sont peut-être pour quelque chose, avec le fait que Toto est beaucoup trop mignonne pour incarner plausiblement une vieille femme décharnée. Le doigt accusateur ne m’a pas paru levé. Blin et ses interprètes se sont bornés à éprouver, à vivre un état de fait, sans chercher à m’en rendre responsable.
Est-ce l’œuvre qui pêche ? En Afrique du Sud, les vrais coupables se reconnaissent sans doute. Athel Fugard n’avait pas à préciser. C’est donc bien la présentation française qui manque de dramaturgie. Elle nous laisse croire que ce qu’on voit se passe ailleurs. Elle n’est donc pas dérangeante.

14.03.79 – LE SILENCE ET PUIS LA NUIT de Jean Bois est un spectacle « fort ». Le programme écrit : « Quatre personnes meurent au cours d’une nuit blanche dans la promiscuité chaleureuse d’une salle commune, une artiste dépourvue de talent, une « dérangée », Juive de surcroît, un vieux con laid et méchant, un Arabe amoureux. » C’est Jean Bois qui joue le vieux con, raciste, pétainiste, affreux Français moyen obtus et de mauvaise foi enfermé dans ses stéréotypes antisémites et anti ratons. C’est une caricature qu’il campe, de même que C. Drobinsky incarne une caricature d’Arabe avec accent excessif, à la limite de l’acceptable, car on peut se demander jusqu’où se charge est bienveillante. (des spectateurs l’ont mal prise).
Pourtant ces caricatures sont dépassées, car une chose unit ces deux êtres hostiles l’un à l’autre par définition, et c’est qu’ils vont mourir et qu’ils le savent. Cette union face à l’inévitable tisse entre eux une tendresse perceptible. Les deux femmes ont moins inspiré l’auteur, encore qu’elles soient attachantes.
Mais elles rencontrent moins l’universel que leurs compagnons parce qu’il leur manque la complicité. Comment naîtrait-elle en effet entre une comédienne sans rôles, personnage bien connu dans notre profession mais dont le public n’a pas bien les clefs, et une Juive qui n’arrive pas à oublier la déportation ? Hébétée, cette dernière n’est pas pour l’artiste en veine de s’exprimer une interlocutrice à part entière.
Cela dit, chacune et chacun est sculpté au scalpel. L’ambiance à la fois mesquine et faite de liens fragiles parce que de hasard, solides parce que tous se battent contre un même ennemi injuste, la maladie est bien celle d’une salle d’hôpital sur laquelle règne, quelque part, une infirmière caporal qu’on ne verra que masquée quand elle viendra ramasser les morts. Le spectacle est dur, assez dérangeant. Son premier degré tape juste dans une dimension tragique.
Jean Bois est décidément quelqu’un qu’il serait intéressant de cerner davantage, car ce qu’il dit tape juste et dur, ce qui n’exclue aucunement un sens poussé du comique de situation, et, parfois, du texte. Une certaine ambiguïté plane, cela dit, sur ce qu’il pense, LUI. Son sens de l’observation est cruel. Est-ce pour dénoncer ? Pas sûr. (Essaïon 22 h)

14.03.79 – Est-ce un journaliste, un flic, un déterreur gratuit ? Toujours est-il que ce flic qui vient enquêter auprès de ceux qui ont connu Mortin, pour essayer de le situer, de le décrire, de le pénétrer, est vite complètement paumé car le personnage se révèle insaisissable.
Le boomerang revient régulièrement dans la main du chasseur sans avoir jamais rien écorché. Chaque portrait esquissé est détruit par le portrait suivant. Robert Pinget, qui a décrit ce PORTRAIT DE MORTIN, s’est diverti à manier le paradoxe à plein tube. Jacques Seiler, qui est un spécialiste de ce type d’univers un peu absurde, où l’insolite se mêle au quotidien, où la logique est bafouée par elle-même, s’y est amusé après lui à camper les différents bougres qui ont un avis sur le héros. C’est pour lui une nouvelle manière de montrer les facettes de son talent. Nadia Barentin le suit avec beaucoup de veine. On se plaît, pour peu qu’on soit un peu intellectuel, à jouir des méandres d’une pensée tortueuse mise à nu par des artistes rompus à ces jeux. Une plaisante soirée, pas importante en apparence, bien divertissante en tous cas. (Essaïon 20 h 30)

16.03.79 – Pour qui se souvient du MARATHON, il est clair que Claude Confortès, en montrant son nouveau spectacle, C’EST L’AN 2000, C’EST MERVEILLEUX, affiche un état de régression mentale qui vient peut-être de ce qu’il n’espère plus rien de ce Monde, dont il ne perçoit désormais guère que la déshumanisation.
Certes, il y a quelques gags drôles dans ce shows qui se voudrait dans la ligne du Magic Circus (mais encore une fois la preuve est administrée que n’est pas Savary qui veut !), et qui me rappellerait plutôt le style de feu Max Revol dans QUELQUES PAS DANS LE CIRAGE des années 50, c’est-à-dire du pré BRANQUIGNOL, je veux dire du BRANQUIGNOL en deçà, timide, pas encore assumé : celui du médecin accoucheur qui aide tout en feuilletant une revue, une femme à pousser « sans douleur », par exemple. Et les idées exprimées sont souvent à « message » utile, comme la dénonciation du mariage robotisé qui pend au nez des sociétés de demain, comme celle de la mutation monstrueuse de l’espèce qui risque de nous valoir des bébés à un seul œil et sans bras, etc, etc… Mais outre que ces idées ont toutes un relent de galvaudées, parce que la science-fiction en nouvelles et en romans les a exploitées dans tous les sens, elles sont ici exprimées dans un premier degré que l’on ne peut qualifier que de débile.
Pour être moraliste, (voyez La Fontaine), il faut avoir de l’Art, et notamment celui de la transposition. Confortès a-t-il cru en inventer en transportant ses mélancolies dans l’univers des clowns du FANTASTIC FICTION CIRCUS et en incarnant lui-même un Monsieur Loyal fatigué ? Et est-ce parce qu’il se sentait incapable d’être un meneur de jeu actif qu’il a inventé, comme lien entre ses saynètes, une histoire de brouille entre lui et sa maîtresse, la clownesse Sylvie Kühn, qui veut abandonner le métier  parce qu’elle ne se rend plus compte que ce qu’elle fait est drôle ?
Toujours est-il que le spectacle a un côté vieux et désabusé. Il sent l’effort et le laborieux. Il rase le sol. Il ne procure jamais un plaisir vrai. Et ne croyez pas que ce soit parce qu’il « dérangerait ». En vérité, il ne met jamais mal à l’aise alors qu’il le devrait sans doute par moments. Je crois que cet échec vient de ce que Claude Confortès a fait taire le POÈTE qui est… qui était en lui au temps du MARATHON. Cet assèchement a-t-il le sens d’un découragement de l’auteur par rapport au langage lui-même ? On voudrait, par amitié et souvenir, le penser. Michel Müller, Claude Lesko et Chantal Aba font les clowns pas doués avec les deux susnommés. Ils se donnent de la peine. André Acquart a pondu un dispositif comme à son habitude, sans imagination.

19.03.79 – Annette Lugan se revendique TROUBADOUR. Elle exerce son art dans un café-théâtre, le FANAL. Pour 25 F., 23 s’il est étudiant, le spectateur a droit à une boisson non alcoolisée mal rafraîchie.
A la fin du spectacle, l’artiste fait la manche avec le trop célèbre filet. Donc pour un minimum de 35 F., 70 à deux, le public a droit à trois contes dits par une gentille actrice, avec talent et conviction. Elle paye comptant, ça n’est pas douteux, elle a de la présence, de l’abattage, de la précision, de la douceur et de la force. Elle gagne sûrement mal sa vie. Comment ne pas dénoncer ce paradoxe des cafés-théâtres ? D’une part l’un n’en a pas pour son argent, d’autre part l’autre est humiliée et pauvre. Ca ne va pas. Annette Lugan mérite meilleur contexte, et surtout plus approprié à ce qu’elle veut faire. Les troubadours jouaient sur les places publiques…
Cela dit, elle a choisi trois contes dont deux sont « moraux » et le troisième seulement mélodramatique : c’est la pathétique histoire de Pyrame et Tisbe, deux amants qui n’ont vraiment pas de chance. On s’attend tellement au déroulement de l’anecdote, qu’on a peine à être touché ou même intéressé.
Quoique tout autant mélo, le conte chinois L’INJUSTE EXCEPTION DE TS’QUEI MING, d’un nommé Pai-an King-Ki, se laisse écouter avec intérêt, tant la logique implacable de l’univers pré-kafkaïen qu’il décrit est « évidente ». Brecht aurait pu faire un Lehrstück avec cette fable exemplaire. Annette Lugan, avec ce matériau, ouvre bien son récital et tient son auditoire en haleine. L’autre conte moral est celui de l’Agneau du Turc Nazim Hikmet qu’elle a puisé dans LÉGENDES À VENIR. C’est un magnifique texte qu’elle paraphrase peut-être gestuellement un peu trop réalistement. Avec cela, elle achève la soirée avec la certitude éprouvée de faire un succès. A la fin, s’étant dépensée pour sept personnes, elle est épuisée. On le comprend. Il paraît qu’il y a des jours où elle joue devant cinquante, et même soixante personnes !

20.03.1979 – Le TOHU BOHU des Byland/Gaulier a un contenu et un style singulièrement beckettiens. Tout y est fondé sur les rapports
–pas faciles, pas évidents, agressifs parfois- des hommes avec les objets.
Dans un rythme lent qui permet l’exploitation à fond de tous les détails jusqu’à épuisement. Trop, de temps en temps. Il arrive que l’épuisement aille jusqu’à la corde. Byland est helvète, n’est-ce pas. Cela dit, ces clowns, victimes permanentes qui finissent toujours par triompher de l’adversité, sont des silhouettes attachantes. Gaulier campe une espèce de personnage à la Carlos flegmatique, opposé au petit Byland besogneux. Autant l’un est massif, autant l’autre est fluet. Pourtant, ce n’est pas un vrai « couple », comme Laurel et Hardy, par exemple. Il y manque quelque chose, quoi ? Je ne sais pas, une certaine dimension. On ne rit pas autant qu’il le faudrait. On est dans la qualité.

21.03.79 – je comprends qu’on sacrifie au ONE-MAN-SHOW quand on n’a pas le choix et que des acteurs –des actrices- las de n’être pas engagés, éprouvent par ce moyen le désir de s’exhiber, à la fois pour montrer qu’ils existent encore, et pour survivre, et pour « jouer », tout simplement, car c’est une drogue que d’être sur les planches et le manque retentit sur le moral. Mais quand on n’a pas de problème d’emploi, sacrifier à ce genre trop à la mode suppose forcément une singulière complaisance envers soi-même, et c’est ce que j’ai ressenti quelque part en assistant au PEPE de Didier Bezace, que le Théâtre de l’AQUARIUM a la faiblesse de présenter sous son vocable. Voulant, après tant d’autres, traiter du troisième âge, ce qui le situe dans la ligne de préoccupations de notre Pouvoir en place qui, comme chacun sait, est très disert au « service » des personnes âgées, il a appliqué le procédé cher aux membres de cette compagnie, et il est allé en touriste passer un mois dans un hospice. Il a enregistré ce que lui ont dit les pauvres vieux et il a composé un personnage résumé : corps cassé, esprit ressassant avec agilité interne, sentiment d’être devenu inutile, ou proie etc… etc…
Le règlement militaire imposé aux pensionnaires sert de métronome au spectacle qui, habilement, fait jouer aux spectateurs un rôle : nous ne sommes que cent dans la salle, répartis de part et d’autre d’une allée centrale, et nous sommes supposés être les enfants et petits descendants de l’aïeul, venus tous ensemble un même jour pour lui faire une surprise. Fiction habile, qui justifie que l’ancêtre fasse son numéro. Didier Bezace a choisi, pour signifier le lieu à la fois concret et mythique de l’action, les entrepôts quasi-abandonnés que possède Jean-Louis Barrault derrière le local de l’Aquarium. Cela lui procure horizontalement, verticalement, et dans le dos des spectateurs, une certaine variété d’itinéraires qui symbolisent les méandres de la vie passée, la résistance à la ligne droite administrative, le besoin de cachettes refuges etc…
L’ennui, c’est que l’acteur abuse de ses trouvailles. Il veut aussi signifier le temps qui s’écoule pour rien, et cela nous vaut des plages à vide qui ne vont pas dans le sens recherché. Il veut aussi distancier son propos et il s’est ménagé un faux entracte pendant lequel il se démaquille, boit une bière, a l’air de méditer. Nous, on attend pendant ce temps-là que l’acteur consente à rentrer dans son personnage, ce qu’il fera non sans le décaler un brin, comme si le rapport ancêtre-descendants se déglinguait. C’est, bien sûr, la fameuse incommunicabilité des générations qui est ainsi illustrée. A la fin, la visite terminée, le vieux restera seul, attendant SA mort, ayant pratiquement foutu dehors ceux qui lui voulaient sans doute du bien et qui ne l’auront vu QUE faire le pitre, comme un animal un peu étrange, le temps autorisé durant.
Le spectacle CONSTATE donc le rejet des retraités. A quand
L’ ENTERREMENT DU RETRAITÉ, où quelque Dario Fo montrera une société tuant ses bouches devenues inutiles ? Ca a existé. Pourquoi pas demain ? Didier Bezace en tous cas apporte sa petite pierre à l’édifice qu’ON bâtit dans l’âme des chômeurs : dix départs à la retraite « anticipée », c’est cinq emplois pour les jeunes. Cinq loubards qui cesseront de râler. Dommage que les dix éliminés ne le soient pas à la hitlérienne. Voyez comme ils sont cons, méchants, rancuniers, ingrats. A quoi servent-ils ?  

04.04.79 – En voyant apparaître sur la petite scène de la salle Christian Bérard les deux grands corps de Roland Bertin et d’Emmanuelle Riva, j’ai rêvé pendant quelques instants que ce plateau serait merveilleux pour des marionnettes dont les dimensions seraient mieux à la mesure du rapport avec la salle. Et puis, en les voyant jouer la pièce de Jeannine Worms : AVEC OU SANS LES ARBRES, je me suis laissé investir par leur efficacité hautement dirigée au premier degré par le metteur en scène Yves Bureau.
Il  doit y avoir de l’autobiographique dans cette oeuvrette écrite dans un style gentiment désuet, qui conte l’itinéraire d’un couple dont l’homme se contente du confort bourgeois installé et pépère, tandis que la femme éprise de perfection choisit, après dix ans de vie commune, de partir en ne gardant dans sa tête que les bons souvenirs. Puis cinq ans plus tard elle revient, car l’amour n’a jamais cessé d’unir ces deux êtres. Mais elle repartira, craignant de n’être réinvestie par la médiocrité quotidienne. Exigence, quête d’absolu dérisoires, car l’aventure vécue par elle hors du couple n’a rien d’extraordinairement exaltant. C’est donc la projection imaginaire idéalisée de la vie de couple qu’elle préserve en fuyant, pas pour trouver mieux, mais pour garder en SOI quelque part le REVE que ce couple a été, serait exceptionnel. Qu’il existerait AILLEURS une vie merveilleuse possible, refusée par crainte que la réalité soit en-deça. Cette fragilité du bonheur est matérialisée par le lieu où se passent les deux actes : un quai de gare désaffecté où ils auraient fait pour la première fois l’Amour. Mais était-ce bien là ? N’y avait-il pas des arbres ? AVEC ou SANS ARBRES, qu’importe : chacun vit SES souvenirs à SA manière, à SON heure.
Roland Bertin, mieux encore qu’Emmanuelle Riva, sert l’œuvre avec conviction et talent. Il sait faire passer dans sa composition tout ce qu’il y a d’ambigu dans le mâle bourgeois repu qui garde au fond de lui l’étincelle de la bonne volonté : on arrive presque à la plaindre d’avoir une femme aussi compliquée.

Commentaire a posteriori

Il est étonnant qu’Yves Bureau ait choisi pour incarner les personnages de ce couple deux homosexuels notoire. Sans doute ne le savais je pas à l’époque. Ca m’étonne.
En tout cas rien ne transparait sur la scène de leurs mœurs respectives en privé. Comme quoi le talent …

Publié dans histoire-du-theatre

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article