Hollande - Jérusalem

Publié le par André Gintzburger


Hollande - Tournée Bisson

08.11 - Contrairement à ce qu’il avait annoncé, Monsieur Joseph attend la troupe du Théâtre de Nice à l’aéroport d’Amsterdam. Il annonce à Bisson de mauvaises nouvelles : contrairement à ses espoirs, il y aura peu de monde à Delft. Seulement une centaine de personnes ont loué. Cela tient à ce que le dimanche, les Protestants ne vont pas au théâtre. Je ne commente pas, mais je note que l’Action Artistique, après avoir consulté l’Ambassade, m’a obligé à réévaluer sur le devis la recette présumée par moi à Delft. Qui paiera en fin de compte cette erreur d’appréciation ?

09.11 - Le dimanche matin, la Hollande est un désert. Au point qu’arrivés à Delft, nous perdons une demi-heure à trouver le théâtre parce qu’il n’y a personne dans les rues, absolument personne pour renseigner notre chauffeur. Ce n’est pas grave, mais ce qui l’est, c’est qu’à neuf heure du matin, il n’y a que trois hommes sur le plateau au lieu des huit demandés. Deux se pointeront vers dix heure en renfort. Nous ne verrons jamais les trois autres. Quant à l’interprète, elle arrive vers onze heure trente. Cette non-exécution de ce qui était promis me met en difficulté au moment où j’essaie de convaincre Bisson de présenter pour le Mexique un devis allégé de quatre sur huit des techniciens qu’il emmène de Nice ! Il lui est vraiment trop facile aujourd’hui de mettre en doute ma parole quand je lui affirme qu’il trouvera là-bas des machinistes en pagaille ! Je ne suis pas content de ce contretemps, mais j’ai pitié de Monsieur Joseph et je ne lui téléphone pas chez lui en ce dimanche matin. À quoi cela servirait-il ?
Bien m’en prend, car plus tard je découvre que le « coupable » n’est pas Joseph, qui a bien transmis les demandes, mais Monsieur Tchegloff, Directeur de l’Institut Français de La Haye, qui ne les a pas pris au sérieux et qui a entretenu en son âme une confusion entre les premières et deuxièmes requêtes formulées en la matière.
Quoi qu’il en soit, l’équipement se fait avec, à mesure que passe le temps, un énervement qui s’achèvera par un savon de Guérut à Tchegloff, et la représentation se déroule à peu près à l’heure prévue devant environ cent cinquante personnes, peut-être deux cents. En regard des moyens mis en œuvre, c’est dérisoire. La salle a plus de mille places. Les répliques de Musset frappent donc un excès de vide et l’impact sur les présents en est atténué. Le « succès » lui-même n’est donc, à mon avis, que poli.







10.11 - Hier, je me suis offert le voyage La Haye – Delft de huit heure du matin avec l’équipe technique, mais aujourd’hui je la laisse partir seule pour Rotterdam à sept heure trente. J’ai filé à Guérut le téléphone de Tchegloff. Qu’ils s’expliquent ensemble s’il y a des problèmes. En fait, il y en aura car quatre hommes seulement, au lieu de huit, viendront travailler et l’interprète n’arrivera qu’à neuf heure. Mais comme le théâtre est bien équipé et comme l’équipe est compétente, l’humeur restera assez bonne et tout sera prêt pour l’heure du spectacle. (Madame Bisson s’y pointe avec son nouvel amant. Qu’est-ce qu’elle est vulgaire, cette nana, c’est incroyable. Dans la salle, il y a l’Ambassadeur du Mexique, cela donne des ailes à la troupe). Gros succès certain fait par un public très divers, allant du mondain le plus sapé à l’étudiant le plus décontracté. Mille spectateurs. Il n’y a pas un fauteuil libre. L’opération est pleinement justifiée.

11.11 - Elle le sera également à La Haye, malgré des conditions techniques difficiles. Mais cette fois-ci, Monsieur Tchegloff a compris que les exigences des techniciens n’étaient pas formulées pour l’ennuyer. Il a fait le nécessaire, et grâce à une équipe technique nombreuse et qualifiée, il sera possible de jouer dès quinze heure quarante-cinq (au lieu de quinze heure trente, ce qui est une manière de petit miracle, car deux heures avaient été perdues le matin à monter le décor sur le plateau par un monte-charge insuffisant). Les deux séances se jouent à bureau fermé. L’après-midi, ce sont des jeunes gens très vivants, mais point turbulents au sens où nous l’entendrions.
Le soir, c’est le tout La Haye, du moins la partie dudit tout qui n’a pas choisi de se déplacer le lendemain à Amsterdam.

12.11 - Car c’est évidemment la séance d’Amsterdam, donnée dans le magnifique Théâtre Municipal de cette ville, qui est la « grande » soirée. C’est là que l’Ambassadeur vient. C’est là que la critique est conviée. Le public est très habillé. Toutes les places sont vendues. Le directeur de la Maison Descartes, Monsieur Heibel, peut, au souper où il a convié la troupe, afficher une satisfaction évidente. L’opération a réussi, et d’ailleurs, dans ce théâtre merveilleusement équipé en matériel comme en hommes, la représentation a été excellente.
Pourtant, une fois de plus, j’observe à quel point un malentendu est créé quand les organisateurs sont des enseignants relevant de l’Ambassade. Monsieur De Blieck, que j’ai vu à La Haye, et Monsieur De Witte, à qui j’ai rendu visite à Amsterdam, étaient l’un comme l’autre convaincus qu’il s’agissait d’une tournée scolaire, et le second était même étonné d’apprendre que Bisson jouait en soirée ! En fait, le cercle atteint par le réseau des Instituts, étayé par celui des Alliances, est infiniment restreint. Les étudiants viennent comme à une leçon de français plus vivante que les autres. Les mondains pour honorer des diplomates estimés d’un pays ami. Ni les uns ni les autres ne viennent « au théâtre ». Alors, dans ces contextes, un Bisson, un Planchon, un Maréchal devraient avoir le sentiment d’un décalage, s’ils se donnaient la peine d’analyser leurs « triomphes », comme le faisait naguère un Vilar. En fait, ils ne ressentent pas ce déphasage parce qu’ils ne sont pas dans le hall du théâtre, ni dans la salle, et parce que les invitants ne leur tiennent pas comme à moi un langage pratique. Quand l’Action Artistique aura compris que le Magic Circus fait plus pour la France que toutes ces opérations, parce qu’il est toujours demandé par des autochtones, et parce qu’il est vraiment POPULAIRE, qu’il atteint en profondeur, un pas aura été franchi vers un « défigeage », MAIS il est vrai AUSSI que le Magic Circus doit jouer, (ou AVOIR L’AIR DE JOUER) pour garder sa vertu d’impact, en dehors de toute officialisation. Il faudrait que l’aide de la France se borne à de l’argent. C’est, on le voit, d’une option de fond qu’il s’agit.

 13.11 - L’aspect « petite tournée », au niveau local de la « grande tournée » promue par l’Ambassade, avait en tous cas effleuré Bisson à Delft. Et elle le refrappe dans la petite ville de Groningen, où il apparaît que la matinée tellement réclamée par Monsieur Fillard ne s’imposait pas tellement puisqu’elle se déroule devant moins de deux cents jeunes gens, surtout des jeunes filles. À supposer que la recette couvre les frais locaux, cela signifie que chaque spectateur coûte à la France entre soixante-quinze et cent Francs ! Sincèrement, je trouve que c’est beaucoup. Je m’en ouvre par téléphone à Monsieur Joseph, qui gémit un peu pour la forme, mais est occupé d’un autre problème : un restaurateur de La Haye s’est plaint de ce que Bisson n’avait pas payé une facture de repas, après avoir signé la note d’un faux nom (Lucien Leuwen !!!) et donné un faux numéro de chambre (c’était le restaurant de l’Hôtel Central !). Bien entendu, l’Ambassade va payer, mais cela apparaîtra sur les comptes ! Ce genre de trucs m’aurait mis naguère dans tous mes états, mais ne m’agite guère cette fois-ci. Quand même, ce Bisson, quel môme, quelle tête à claques quand il s’y met.
En vérité, il est curieux que je l’aime bien, car il porte en soi des traits que je déteste, une insolence, une morgue toutes fascistes (il n’y a pas d’autres mots possibles), un goût du pouvoir arbitraire et de la manœuvre arriviste (il fallait le voir quand il a su que le Monsieur qui soupait avec moi à la réception d’Amsterdam était le Directeur de la Banque de Paris et des Pays-Bas !). Il ne cache pas qu’il se sent satisfait d’être un privilégié du régime et il entend le rester. La lutte des classes le fait chier et il se déclare très heureux de vivre dans notre société. Au cours d’une discussion sur la « Culture », il a pris la défense de notre patrimoine occidental et a déclaré qu’il était « reconnaissant » à nos ancêtres de nous avoir légué le monde dans lequel nous vivons. Bref, il prône tout ce que je déteste, il défend tout ce que je combats, et pourtant je me sens bien avec lui et je suis investi par une étrange indulgence. Sans doute espéré-je toujours qu’il se réveillera un jour réanimé par le vent du « Matin rouge », qui lui avait fait pondre SARCELLES SUR MER… Improbable éventualité pourtant

Et maintenant JERUSALEM

Ce qui est sûr, ce qui domine, c’est que dans cette sorte de Lausanne sans boutiques qu’est la Jérusalem juive résidentielle, on goûte un sentiment de tranquillité paisible. C’est vert, aéré, spacieux, calme, assez joli puisque la loi impose un matériau, la pierre locale qui se colore au soleil couchant, aux constructeurs. Le Docteur Grosswirth, mon voisin qui vient sans doute de Suisse, s’est uni à Madame Goldstein, qui débarquait d’Allemagne, et au jeune Kinsbourg, qui arrivait d’Alsace ou du Luxembourg, pour créer au cœur du Moyen-Orient la Cité Idéale de l’Allemand de bonne souche. C’est Jérusalem-Ouest où l’on doit facilement oublier que le pays est toujours en état de guerre. Parfois au loin, on entend une explosion, mais chacun feint de n’avoir rien ouï. Certes, il y a des petits inconvénients. En allant au théâtre ou au cinéma, les dames doivent prouver à de vigilantes miliciennes qu’elles ne cachent pas de bombes dans leurs sacs, et les hommes se font palper par des policiers « très corrects ». Et cette cérémonie se répète dans beaucoup de lieux publics. Dans les rues, on croise des militaires doigts sur la gâchette de la mitraillette, mais baste, on n’impose pas une présence qui n’est pas désirée par tout le monde, puisqu’on a, pour l’imposer pratiqué le « lève-toi de là que je m’y mette », sans casser quelques œufs. Un attentat par-ci, un attentat par-là, ça n’est pas grand-chose comparé à ce confort, qu’on n’a bien sûr pas l’intention de rendre aux Arabes !
Ceux-là, ils sont tout autour et plus spécialement à Jérusalem-Est et dans la vieille ville. Ils vivent visiblement leurs vies d’Arabes. Leurs autobus marchent le samedi et leurs taxis véhiculent les touristes qui préfèrent, les autres jours, les taxis juifs, plus « occidentaux ». Le vendredi, ils ferment leurs mosquées aux non-Musulmans et il faut voir avec quel respect les Juifs font respecter la « correction » due à la foi des autres. Et puis, ils commercent, comme tous les Arabes du monde, dans des souks où les radios gueulent des versets du Coran ou des chansonnettes égypto jordaniennes ; sur leurs toits, les antennes de TV sont immenses. Capter les émissions arabes de la TV israélienne ne doit pas leur suffire. Bien sûr, ils acceptent la Livre israélienne comme monnaie, mais nombreux sont ceux qui font leurs prix en Dollars, ou en Dinars jordaniens. Même, jusqu’à un certain point, celui-ci a toujours cours. Et puis il y a, du côté du King Street George V, un quartier juif commerçant qui, sauf qu’on y cause en hébreu, ressemble beaucoup à son frère arabe de Hazanhanim. Ça tient du New York populaire et de l’évidence tiers-monde. Ça grouille. C’est sonore. Les klaxons sont furieux. Seuls les feux rouges bien synchronisés rappellent que la Suisse ci-dessus décrite est toute proche. Et que c’est elle qui a le POUVOIR. Un pouvoir qui n’a pas l’intention de pactiser avec l’ « ennemi », qui a installé sa douillette quiétude sur la conquête permanente de sa « sécurité », un pouvoir mâle, musclé, étayé par un peuple qui ne le conteste pas, du moins sur l’essentiel, c’est-à-dire sur le bien-fondé de l’existence de l’État d’Israël.
Car pour le reste, n’est-ce pas, c’est la « démocratie » ici et il y a des partis complètement libres, à ce détail près que la loi martiale est en vigueur et que les non-Juifs n’ont aucun droit, ce qui a pour conséquence qu’ils expérimentent constamment jusqu’où ils peuvent aller trop loin. Mais les bourgeois juifs te parlent de la « libération de la vieille ville » comme s’il ne s’agissait pas d’un espace multiconfessionnel qui était tout aussi libre sous les Jordaniens ! Ceux qui tirent leur épingle du jeu et l’ont toujours tirée, ce sont les Chrétiens. Je ne sais pas si c’est parce qu’ils font moins folkloriques que les Juifs « traditionnels » et moins exotiques que les Musulmans, qui ont l’excuse ici de brandir leurs rites comme un rempart contre l’oppresseur, ou encore parce que leur « neutralité » ostentatoire face aux adversaires a quelque chose de Ponce Pilate récupéré, mais je dois dire que les processions d’« Agatha Christie », en robes imprimées aux U.S.A., qui suivent le vendredi quatre bonnes sœurs de service et une dizaine d’ecclésiastiques blasés le long des cinq dernières stations du Christ, (parce que, bien sûr, faire les quatorze, ce serait trop dur pour ces grosses dondons nourries de pancakes et de cheeseburgers qui seraient crevées à faire l’aller et retour quand, LUI, n’a fait que l’aller !) ne m’ont inspiré que des ricanements. L’obscurantisme des vieux Juifs « religieux » qui se balancent le long de leur mur a quelque chose de terrifiant. Il faut profondément le réprouver, mais il émeut, car il est GRAND, il est AUTHENTIQUE. Je n’en dirai pas autant avec certitude des Arabes, mais eux RÉSISTENT. On sait le rôle provisoirement positif que jouent les religions dans ces cas-là ; encore que les après des révolutions, aidés par elles, soient souvent douloureux. Mais ces Chrétiens, qu’ils sont dérisoires dans ce contexte qui leur est (devenu) si étranger. La Palestine n’est pas LEUR terre. Ici, cela saute aux yeux.
Cela dit -j’écris cela à la terrasse d’un bistrot d’Haïfa en sirotant une bière dont la marque est MACCABEE-, il est sûr que ce petit coin de terre qu’une bonne partie de l’humanité se dispute au nom de SA CULTURE, a quelque chose de magique. (Ne nous y trompons pas : je parle toujours de Jérusalem, c’est-à-dire de la Palestine qui sait s’y conserver éternelle, pas du moderne état d’Israël, que j’ai traversé aujourd’hui sur une autoroute à la signalisation américaine germanique pour aller jusqu’au grand port du Nord qui n’a rigoureusement rien de mystérieux). Ça tient à une certaine lumière, et surtout à une géographie gravement tourmentée, admirable dans ses contrastes. C’est peu de dire qu’on monte et descend tout le temps. Les crêtes côtoient les ravins. Le soleil frappe, mais l’air est sec, donc respirable. Et puis, le côtoiement permanent d’un Monde Arabe à part entière, immobile et serein, attentif aux défaillances, souverain de SA vérité, crée pour les Juifs de Jérusalem une « inquiétude » que je n’ai pas détectée à Haïfa. Là, la vie s’étale, riche en boutiques brillamment éclairées à la portée du Golan et à deux pas du Liban, MAIS OU LES JUIFS SONT COMPLÈTEMENT CHEZ EUX. Avec leur gentille jeunesse en uniformes et en armes, qui ne vous agressera jamais parce que sa violence est répétée fréquemment à l’entraînement et canalisée vers un ennemi désigné clairement. Elle n’a même pas besoin de rouler les épaules : elle SAIT SA FORCE et n’éprouve donc pas tellement la nécessité de la montrer. Peut-être faudrait-il en France un état de guerre pour que s’estompe la criminalité et les agressions, qui nous donnent chez nous une plus grande sensation d’insécurité qu’ici.
Question : l’homme porte-t-il en soi intimement la violence ? Si j’en juge par moi, je ne crois pas. Mais suis-je normal ? Ici en tout cas, l’exemple frappe : les Juifs (et les Juives, n’oublions pas qu’ELLES ont aussi la joie d’être militaires) montrent le calme des forts. En caricaturant, on pourrait dire qu’en face d’eux les Arabes se montrent sournois comme des vaincus… Ils ont le temps, mais aussi des sursauts d’impatience, et c’est pourquoi eux peuvent être violents. Leur contact est inquiétant et nos Cicérones qui nous emmèneront demain voir la Mer Morte en pleine Cisjordanie tiendront beaucoup à ce que nous rentrions avant la tombée de la nuit. Ils savent bien qu’ils ont installé leur « quiétude » sur un volcan et ils sont aliénés, aveuglés. Tant qu’ils n’auront pas réglé le problème palestinien, il y aura encore et toujours des attentats. Abou Salem me le disait : « Il faudrait qu’ils en aient conscience ». Mais justement il semblerait que leurs médias veillent à soigneusement leur cacher cette vérité élémentaire. Ce peuple est sûr de son BON DROIT. C’est un POSTULAT. La démystification des valeurs culturelles ne l’a pas atteint. Il a foi en ses impostures. Il ne sait pas que ce sont des impostures. Les Lyauteys, de Foucaud et Schweitzer de SON épopée sont des héros à une face. Le réveil pourrait être dur, car les « méchants » ne peuvent pas ne pas les ressentir comme INSOLENTS.
De la terrasse de mon bistrot, c’est fou ce qu’Haïfa me fait songer à la Casablanca que j’avais visitée avec le Centre de l’Est en 1949, en un temps où les Français se croyaient implantés au Maghreb jusqu’à la fin des temps… Oui, c’est vrai, les antisémites ont raison quand ils parlent ici de colonialisme. En vérité, c’est bien une entreprise coloniale qui a été entreprise sur ce territoire par des Allemands, des Bénéluxiens, des Hongrois et autres Tchèques qui, EN PLUS, étaient juifs, mais D’ABORD possédaient leurs schémas de pensées d’Européens occidentaux. Leur édifice sent son racisme parce qu’il est fondé sur un certain mépris des inférieurs, qui pourrait d’ailleurs s’étendre aux Juifs venus du tiers-monde ou de l’Orient russe, si l’attachement de ces derniers aux rites spirituels du judaïsme n’était opportun pour colorer sympathiquement la toile de fond. On va retomber sur l’éternelle conclusion que le vrai problème est celui de la lutte des classes… Certes, mais quand même fondé ici sur le fait que l’appartenance à la RACE ÉLUE y crée un privilège.
Malheureusement, cette notion nous rappelle d’autres souvenirs, et quand Ehni disait que l’État d’Israël était la vengeance d’Hitler, hélas ! Hélas !... N’était-il pas lucide ? Et Hitler ne fondait-il pas, LUI AUSSI, son régime sur l’appartenance raciale de son peuple à des valeurs ancestrales dont il faisait célébrer régulièrement la commémoration ? Ici, Wotan est Jahweh et, entre-temps, les blonds nordiques de la race supérieure ont voulu anéantir les petits noirauds de la « race élue » qui alors apparaissait comme VICTIME. Aujourd’hui, que la "race élue » ait pris la relève, avec la complicité pratique de ses bourreaux d’hier amendés en les personnes de leurs fils, a quelque chose d’extrêmement gênant. Certes, il n’y a pas de fou crématoire pour Palestiniens en Israël, mais il y a des camps, qu’on voit coiffés de miradors, au long des routes (QUI PEUT DIRE QU’IL NE « SAIT » PAS ?) et trop de gens affirment que la police torture pour que ce ne soit pas vrai. Surtout, quels que soient les actes de sa conséquence, l’important est que la NATURE de ce POUVOIR relève d’une idéologie raciale similaire.
MAIS LES JEUNES, me direz-vous, ceux qui sont nés dans ce pays, et ils commencent à être nombreux, leur BON DROIT À EUX, il est authentique ! Au nom de quel « péché » originel » mériteraient-ils d’être chassés de leur « patrie » pour que la récupèrent ceux qui la revendiquent au nom d’une clameur qu’eux-mêmes ont reçue en héritage ? Le diabolisme de la démarche éclate en effet quand on considère de part et d’autre ces enfants que des doctrines contradictoires ont enthousiasmés ? Car il n’y a pas de solution qui puisse être inventée pour eux, entendez de solution équitable, car bien sûr les jeunes pionniers de d’Israël ont, en l’état actuel de l’échiquier  de monde, la possibilité de perpétuer les choses telles qu’elles sont. Certains, investis de bonne volonté, songent même à tendre à leurs frères palestiniens la main de la réconciliation, mais se rendent-ils compte que, qu’ils le veuillent ou non, ils appartiennent au clan des forts et que, par conséquent, les faibles ne peuvent saisir au bond une balle qui serait chargée d’humiliation pour eux. C’est vrai que beaucoup d’étudiants juifs cherchent dans leurs têtes comment vivre avec les Arabes. Et je suis sûr qu’il y a des intellectuels palestiniens qui doivent se dire qu’il y en a marre de se bagarrer tout le temps. En fait, il faudrait que les uns et les autres se retrouvent après avoir fait une révision déchirante de leurs conceptions respectives. Seule LA RÉVOLUTION pourrait, peut-être, mettre à ÉGALITÉ les deux communautés. Ce qui empoisonne actuellement leurs rapports, c’est qu’à parité de fortune et de culture, les Juifs, même ceux qui veulent que ça change, se croient, même si ce n’est que niché quelque part dans les brumes de leurs inconscients, supérieurs à leurs partenaires. La main qu’ils leur tendent est condescendante. Mais ils le nieront. Ils ne s’en rendent pas compte. RÉVOLUTION, cela voudrait donc dire, RUPTURE d’avec tout un système de pensée et de création d’un autre. INVENTION. Malheureusement, je crois que de part et d’autre rien n’a jusqu’à présent été entrepris pour préparer un tel déchirement. Le bourrage de crânes est massif et c’est déjà beaucoup, aujourd’hui, que certains se posent des questions…
On peut, d’ailleurs, s’en poser une autre, au risque de faire soudain une profession de foi « réactionnaire » : quand on est témoin, comme nous le sommes actuellement, de l’obscurantisme régressif que signifie l’ISLAM, dont la vigueur à travers le monde pour ramener les hommes à des conceptions de vie médiévales est terrifiante, on peut se demander, non seulement s’il serait juste que la Suisse bien propre édifiée ici soit un jour dégueulassée par la crasse des sous-développés, mais même s’il a été bon que l’Occident évolué abandonne l’expérience coloniale. Car franchement, le résultat des « indépendances » est partout négatif. Il est vrai que les cultures importées étaient aliénantes pour les occupés, mais elles forçaient les meilleurs à une émulation permanente. Et ces meilleurs ont été exclus aux « libérations » au profit des religieux qui ont joué leurs rôles de freins à toute liberté classique, donc à toute tentative d’épanouissement de l’homme. La « résistance » était (est) « progressiste ». La « victoire » a été celle de la régression. Il s’agissait, croyaient les combattants, de lutter pour la JUSTICE. Et l’arbitraire, le despotisme, se sont installés. Mohammed Boudia, parlant de cette Palestine, et contestant la thèse israélienne selon laquelle les Juifs avaient boisé ce pays que les Arabes avaient laissé à l’état de désert, me disait un jour : « Si les Américains nous donnaient autant d’argent qu’aux Juifs, nous aussi nous irriguerions la terre et la rendrions fertile ». Boudia était un fervent idéaliste et son honnêteté lui avait joué des tours dans sa propre Algérie, mais je ne suis pas sûr qu’il voyait juste et que l’argent ne serait pas allé dans quelques postes de Cheikhs… à moins d’un régime fondé sur la terre comme en Libye, où d’ailleurs les deux millions d’Arabes privilégiés utilisent des frères immigrés comme travailleurs…
On peut d’ailleurs poser encore d’autres questions : notre genre de vie hygiénique et tolérant est-il exemplaire pour tous ? Notre voie vers l’épanouissement humain est-elle enviable pour tous ? De l’homme préhistorique à l’homme de demain, il est sûr que des chemins divers d’évolution peuvent être suivis et il est notoire que certaines ethnies ont pris le départ plus tôt que d’autres, si bien qu’à un moment donné tous les hommes ne sont pas au même degré d’évolution. Reste à accepter juste ce qu’est un degré d’évolution au juste, car d’aucuns peuvent (ou ont pu au cours de l’Histoire) s’estimer supérieurs à d’autres au nom de leurs vérités subjectives et se tromper lourdement. Reste aussi à apprécier s’il est juste que les peuples évolués oppriment les moins évolués, ou s’en servent comme c’est actuellement le cas. Il est clair que s’il n’y avait en Palestine que des Juifs du tiers-monde, ceux qui depuis des siècles vivaient à côté des Arabes et sont grosso modo au même stade de civilisation, un horizon pourrait s’éclaircir. Encore que soit carrément nouveau le fait qu’ici, ce soient pour la première fois les Juifs qui aient le pouvoir. Mais qu’en plus ce pouvoir soit réellement détenu par des Juifs venus des pays réputés de haute civilisation occidentale -ce qui suppose un genre de vie- bien sûr, le schéma colonialiste surgit, et l’inégalité du rapport culturel a pour conséquence que seule LA FORCE, la coercition peuvent permettre la pérennité d’une situation de fait FRAGILE, mais pas forcément bouchée si les Juifs savent trouver le biais, ce pour quoi traditionnellement ils sont doués. OR, ILS …
(MANQUENT ICI LES CARTES POSTALES 18, 19 ET 20)


(REPRISE À LA CARTE POSTALE 21)
Il faudrait que cet état ait des gestes éclatants, qu’il se remette honnêtement en question quitte à devoir disparaître en tant que tel, qu’il démystifie ses valeurs culturelles au lieu de les magnifier sans cesse, qu’il cesse aussi de se « perpétueur » du Souvenir de l’Holocauste. Les Juifs ont, dans l’Histoire, été des victimes et il est des pays où ils le sont encore, quoiqu’ils le seraient peut-être moins s’ils acceptaient plus de partager avec les peuples qui les hébergent -force est d’employer ce vocabulaire puisqu’ils refusent l’intégration-, les genres de vie que ceux-ci se sont choisis. Mais ici ils ne sont plus des victimes et le « Remember » permanent n’est pas qu’agaçant : il attire d’autres Holocaustes. La célébration est masochiste et beaucoup de Juifs français le savent, qui ne songent qu’à faire oublier cette appartenance, qu’à se fondre dans la masse. N’est-ce pas en vérité la SEULE ATTITUDE raisonnable ? La trompette embouchée par l’orgueilleuse Israël des enfants du Seigneur, qui seront SEULS appelés à sa droite le jour venu, n’est évidemment pas recevable par le reste de l’Humanité laissée pour compte par cette religion élitaire. Franchement, à clamer le sort qui attend les non-Juifs  quand viendra le Jugement Dernier, ce peuple tend ostensiblement son cul aux mécréants pour qu’ils se vengent en lui tapant dessus.
RÉVOLUTION, cela pourrait donc vouloir dire renoncer au PRIVILÈGE INOUÏ promis par Yaweh, LE CONTESTER LUI-MEME, ABJURER. Débarrassés de leur mystique ancestrale, ramenés à la MODESTIE, ce qui ne veut pas dire L’HUMILITÉ, peut-être les Juifs pourraient-ils rencontrer chez leurs adversaires d’aujourd’hui des interlocuteurs ouverts au dialogue. Est-ce qu’on cause avec des gens qui, d’entrée de jeu et dans tous leurs textes « saints » à l’appui, vous signifient que de toute manière eux SEULS sont qualifiés pour avoir un langage avec Dieu ? LAÏCITÉ devrait donc être le premier cri de guerre des jeunes qui en ont assez de se battre. Quand on proposera du porc et des langoustes dans les restaurants israéliens, quand les autobus juifs rouleront le samedi, quand le mot « Juif » commencera à travers le monde à s’identifier à une religion, et non plus à une race, voire à un obscurantisme dont on s’étonnerait qu’il ait pu être aussi vivace, bref, quand les Juifs (même les non pratiquants) auront vraiment cessé de caresser quelque part la jouissance de leur « différence » tout en « jérémiadant » que les autres sont « racistes », quand les « histoires juives » ne feront plus rire parce qu’elles ne s’étayeront plus sur des travers particuliers, alors peut-être le problème de la survie sur cette terre d’un certain nombre d’hommes qui y sont attachés ne se posera-t-il plus dans les mêmes termes.
Mais peut-être tout ceci n’est-il que verbiage ? Peut-être y a-t-il vraiment un peuple élu ? Diable, mais c’est que j’en fais partie. Alors attention autour de moi ! Il va falloir me respecter !

Publié dans histoire-du-theatre

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