Carnet Libye - Egypte 1976

Publié le par André Gintzburger

Carnet  Lybie – Egypte

Prospection pour une tournée du CENTRE DRAMATIQUE de la COURNEUVE

09.04.76 - On ne peut pas dire que l’aéroport de Tripoli soir luxueux. Il y en a un beau en construction à quelque distance, mais celui dans lequel je débarque n’est pas visiblement conçu pour les touristes. Cela dit, l’accueil n’a rien de rébarbatif et les flics et douaniers seraient plutôt moins emmerdants qu’ailleurs.
Pas trace de Monsieur Bergère ! Nous ne sommes pas nombreux à sortir. Je regarde bien. Je ne remarque aucun personnage qui ressemble à un attaché culturel. Je prends donc un taxi et me fais conduire au Libya Palace. Je demande s’il y a une chambre retenue pour moi. Superbe, le portier me dit de prendre le 627, mais je ne saurai jamais si c’est parce que c’était réservé ou parce qu’il a fait comme si. Il n’a, en tout cas, consulté aucun registre, même en arabe. Le taxi m’a coûté la bagatelle de sept Dinars Libyens. Je pense m’être fait entuber (ça fait plus de cent dix Francs). J’apprendrai plus tard qu’en effet, mais de un ou deux Dinars, pas plus ! Les taxis sont ici hors de prix.
Je n’ai pas tellement de place au Libya Palace, car ma chambre donne sur le derrière alors que le front de l’hôtel est sur le port. Du moins, au sixième, ai-je une vue étendue sur cette ville posée à même le désert, où aujourd’hui le sable voltige, soulevé par la tempête qui m’a suivi depuis Tunis. Le coup de froid pris là-bas, et qui s’est plaqué sur mon mal de gorge du départ, me vaut une extinction de voix ! N’étant pas d’humeur à chercher un restaurant, je vais à celui de l’hôtel où des garçons très stylés ne vous tendent même pas la carte rédigée exclusivement en arabe (ici RIEN n’est fait pour aider l’étranger et, dans l’avion -juste retour des choses- j’ai dû faire rédiger ma carte de débarquement par un Tunisien !). Le menu comporte du chou farci et du veau en sauce. C’est très mauvais. J’arrose ça d’eau naturelle, la minérale étant exclusivement gazeuse.
Après ça, je me dis qu’il faut quand même que je laisse une trace de ma présence à mes invitants. J’essaie d’apprendre à téléphoner… en vain. Je me fais expliquer par un des concierges (qui est un travailleur marocain immigré) où est l’ambassade de France et j’y vais à pied.
Là, il n’y a que le garde de service. Tout est bouclé. Je laisse un mot à l’attention de Monsieur Bergère… et je pars à travers Tripoli, le nez au vent. Il y a naturellement des portraits de Kadhafi partout, extraordinairement peinturlurés, on pourrait dire fardés, et des affiches bleues un peu passées montrant un clergyman bien mis avec une barbe à la « Papa Bon Dieu » et un regard respirant la sagesse tranquille. Je mets un moment à reconnaître Fidel Castro dans ce bourgeois. J’y ai été aidé par des citations en espagnol, dont les caractères latins ne pouvaient pas ne pas sauter aux yeux  ici.
Tableau insolite dans une ville arabe, des mômes bien  vêtus, bien nourris… et qui jouent. La pauvreté à la Tunisienne n’existe pas et tout le monde est propre. Ce n’est pas le cas des rues, jonchées de papier, aux trottoirs défoncés, encadrées de buildings neufs et de ruines écroulées dont on n’a pas évacué les gravats. Les magasins regorgent, paraît-il, de TOUT ce qui existe au monde de mieux. Mais c’est si mal présenté que tout paraît pauvre. Les vitrines ressemblent à celles de Berlin-Est en 1950 ! Au gré de ma promenade (paisible, pas de mendiants, pas d’agresseurs, pas d’importuns, je suis un passant comme un autre), je découvre les quartiers « italiens », construits avec des arcades comme à Turin et des galeries comme à Milan, puis la vieille ville avec son souk. (Mais l’artisanat me paraît surtout provenir de l’importation et rien, sauf quelques tapis, ne me frappe).
Je fais comme ça, en zigzaguant à la recherche de quelque chose à lire en français (car je pressens une soirée longue), une dizaine de kilomètres et les seuls ouvrages que je détecte sont JEUNE AFRIQUE et CONFIDENCES !!!... (que je n’achète pas). D’ailleurs cette ville ne croule visiblement pas sous les librairies (même en arabe) et la seule importante que je repère est technique.
Vanné, je rentre vers dix-neuf heure à l’hôtel et… ô surprise, j’entends le téléphone sonner à l’instant où je mets ma clef dans la serrure. C’est Bergère, le CONSEILLER (et non l’attaché) Culturel. Il a trouvé mon mot. Il croyait que j’arrivais lundi seulement, car B. Perrault avait envoyé un câble dans ce sens. Il m’invite à dîner.
Voilà qui change les perspectives. Je prends un bain. Je me super sape, je suis à l’heure au rendez-vous… Il est charmant ce Bergère, et s’il est mécontent de me voir aujourd’hui, il le cache bien. (Putain, je fais comme si c’était moi qui avais inspiré à Perrault d’annoncer ma venue lundi !...). Il y a un petit gâte-sauce avec lui, quelque chose comme Piétri ou Pierry (je me ferai préciser) qui dirige le Centre Culturel Français. C’est lui que Monique a eu au téléphone. C’est lui qui va me cornaquer. Et pour commencer, il va m’emmener demain voir le Théâtre de Sabratha. Lundi, il m’a arrangé un rendez-vous avec le fameux Abdul Habib El Megrab, dont tout le monde, d’Harari à Guiga, m’a dit jusqu’ici que c’était MON interlocuteur essentiel.
Le dîner, arrosé de vieux Thibar Rosé de contrebande, me permet de cerner un peu la question (qui est qu’en fait, ce peuple de deux  millions d’habitants, dont six cent mille ayant entre six et douze ans et autant moins de six, n’en a rien à foutre des TROUBADOURS mais qu’on va tous faire comme si !). Mes interlocuteurs sont tout à fait amadoués à la fin du repas. Le vent de sable et le froid glacial doivent les inciter à moins regretter leur week-end manqué. D’ailleurs, seul Piétri ( ?) sera de corvée. Bergère ne me reverra que lundi soir. Il me file un polar et une belle brochure sur la Libye. À l’hôtel, je trouve en plus un bulletin d’information en français, qui fera les délices de Christophe si les Égyptiens ne me le piquent pas car Sadate en prend pour son grade sans ménagement. En me raccompagnant, Piétri me fait faire un petit tour de Tripoli by night. Je me couche vers minuit, assez content de ma journée.

10.04.76 - Je confie mon billet d’avion à l’agence de l’hôtel. J’espère que je n’aurai pas de problème pour aller au Caire, car ça n’a pas l’air d’aller fort du tout entre les deux pays et je me demande si Jean-Paul a eu une bonne idée de me mettre sur Egypt Air. Le petit-déjeuner m’a été servi dans ma chambre avec de l’excellent café et des petits pains ronds excellents recouverts de beurre danois et de confiture italienne. Je crois bien que le jus d’orange était américain. Je fais quelques cartes postales dans le grand salon de l’hôtel en attendant onze heure, où Piétri ( ?) doit me définir le plan de la journée. Rien que des hommes d’affaire. C’est dimanche de Pâques, mais ici c’est un jour très ordinaire. Il va, par contre, y avoir une grande fête dans quelques jours pour célébrer l’évacuation du pays par les Anglais. Les Italiens (dont l’Ambassade, drapeau claquant clinquant au vent, domine toute la rade) donneront un spectacle à cette occasion ! Il y aura aussi la fête de l’évacuation des bases américaines (les G.I. ont laissé aux Libyens un camp suréquipé), et bien sûr, celles de l’indépendance et de la Révolution. Bergère aurait bien voulu avoir un spectacle français à cette occasion, à donner dans un stade devant cinq mille personnes n’entendant pas un mot de français. Aux premiers mots, j’avais songé à LOUISE MICHEL, mais ça n’irait évidemment pas. J’ai dit que je réfléchirai.
Il faudra que je parle à Constant d’une  idée : ne serait-il pas possible d’intégrer au spectacle un conteur arabe qui commenterait de loin en loin l’histoire des Troubadours ? Un peu comme avait fait Confortès au Mexique avec son MARATHON. Il est sûr que ça aiderait à la popularisation du propos. Piétri ( ?), qui parle couramment l’arabe et a l’air très bien dans ce pays où  il respire, dit-il, un air de liberté réelle (c’est possible après tout !), m’a chapitré en tout cas. Ce n’est pas la peine de demander de l’argent aux Libyens. Ils paieront les séjours et les frais locaux et « feront des cadeaux ». C’est comme ça qu’ils sont habitués. Par contre, le Centre Culturel peut vendre dans les trois cents billets à un Dinar qui iront dans la caisse de la troupe et qui seront réglés en Francs français. (À peu près cinq mille). Bergère a l’air de trouver qu’il serait possible d’obtenir plus. À suivre. J’ai oublié de dire qu’avec la tension égypto libyenne, il est exclu d’imaginer un transport de décors par route. Ce sera l’avion ou rien. Ce matin, le temps est couvert et frais. J’ai remis le pull et le velours. J’ai toujours la voix couverte.
Piéri (il s’appelle Piéri, je lui ai fait écrire son nom) vient me chercher à une heure avec sa 203. Il commence par m’emmener bouffer dans un restaurant paraît-il excellent, dont la façade s’orne d’une tour Eiffel. Ici on vous donne une carte en français. Sur sa foi, je prends un Chateaubriand, mais la viande est infecte et j’en laisse la moitié. Je bois un jus de fruits frais très sucré.
Il s’épanche, le petit Piéri. Je le dérange, d’être ici, mais pas tellement parce que c’est le week-end de Pâques. C’est surtout parce que l’arrivée inopinée de l’offre des TROUBADOURS dérange ses billes. Car il est actif, le directeur du Centre Culturel Français. Déjà, il a fait venir Jacques Douai et je ne sais plus quel autre chanteur. Dans un mois, il a prévu d’accueillir LES FRÈRES JACQUES et il a combiné un projet d’échange pour la rentrée entre un spectacle d’Alain Banguil et une troupe folklorique libyenne. Il y a quelques semaines, il a fait approuver ce plan, un peu derrière le dos de son Ambassade, par le fameux Abdul Hamid El Megrab avec qui il a dû, sur ordre de Bergère, prendre rendez-vous pour moi demain. Alors il est très inquiet et il piaffe contre l’opération téléguidée de Paris dont il n’a eu connaissance qu’avant-hier. (Le Conseiller avait gardé le projet sous le coude par devers lui, et c’est uniquement parce que l’Attaché, il y a un Chadourne ici, est parti en vacances pour dix jours, qu’il lui est tombé sur les bras de s’occuper de moi. Sans ces vacances, il aurait risqué d’être court-circuité auprès des Libyens). Il souffre, le pauvre, parce qu’il est plein de sève, et que l’administration le cantonne dans un rôle d’exécutant subalterne. Pourtant il a la bosse du show-business. Il me raconte qu’il a failli entrer comme Secrétaire Général chez Mademoiselle de Valmalette ! Tout en parlant, nous roulons sur une belle route à quatre voies (mais pour les Libyens, ça en fait six), au milieu de constructions affreuses couleur de poussière qui sont édifiées en grand nombre pour que la population puisse se loger. Il me fait voir une usine de raffinement d’eau de mer, une usine textile. Sur cette bande côtière, les orangers et les oliviers succèdent aux palmeraies et ce serait très vert s’il n’y avait le sable voltigeant qui donne à tout un teint ocre terne. La circulation est intense et indisciplinée. L’essence coûte ici cinquante centimes le litre et les cimetières de voitures sont plus impressionnants qu’en Amérique. Notre but, c’est Sabratha, où il y a un théâtre antique (avec arrivée de courant), des ruines romaines et puniques, un restaurant et un musée très riche en mosaïques. C’est très beau et le théâtre conviendrait bien aux TROUBADOURS à condition que les pieds qui soutiennent le plateau soient réglables, car le sol est inégal et remonte sensiblement vers les gradins. Mais je crois me rappeler que c’est le cas. De toute façon, cette visite est pour l’instant purement touristique, car d’une part rien n’indique que El Magreb voudra cautionner cette affaire supplémentaire, d’autre part qu’il acceptera que ça se passe là. C’est très beau. La mer et le soleil donnent à ces ruines un grand charme L’air doit être bon car ma voix revient à la presque normale. Je fais réflexion que je ne sais pas si on conclura cette fois-ci, mais que ma visite aura été utile, car je quitterai, quoi qu’il arrive, la Libye avec un interlocuteur libyen que j’aurai vu et un partenaire français qui est extérieur au personnel diplomatique. LOUISE MICHEL l’intéresserait dans la foulée de la Tunisie. Bref, il est sûr qu’on restera en contact, qu’il est débrouillard et qu’il est capable dans certains cas de monter des affaires tout seul comme un grand. Il se plaint beaucoup, sur le chemin du retour, de l’obscurantisme de l’administration et me conte que l’Ambassadeur lui a refusé un voyage à Paris qu’il voulait entreprendre avec un homme d’affaire libyen disposé à ouvrir son pays à la distribution cinématographique française. « C’est pas vos oignons », lui a dit en substance notre représentant, « mêlez-vous de votre Centre Culturel, qui est un établissement d’enseignement du français, et pas d’autre chose. » Et justement, ce Centre, parlons-en. Il a triplé son nombre d’élèves et impossible de faire augmenter la subvention ! « Ils ne se rendent compte de rien, à Paris… » J’en passe.
Il me quitte à huit heure après m’avoir enseigné un restaurant italien où, pour la somme de quatre Dinars, soit près de soixante-dix Francs, je mange un très bon spaghetti et un poulet rôti correct en buvant du jus de pomme trop sucré importé de France. Je me couche assez tôt. Dans la nuit, je suis éveillé par un brutal coup de vent soudain. Jusqu’au matin, ça soufflera énergiquement.

11.04.76 - C’est avec prudence que j’évoque auprès de mes interlocuteurs libyens la « recommandation » de Clément Harari, et bien m’en prend car le bougre n’a pas encore envoyé copie de son rapport à l’UNESCO et « on » m’engueule presque en me priant de lui dire de le faire.
Mohamed Allagui, directeur du Théâtre des Scouts, est un jeune homme plein d’enthousiasme. Le théâtre s’appelle comme ça parce qu’il a été construit par des scouts, mais ça n’a rien à voir avec le régime Kadhafi. Ça date du roi dont le fils était le chef des scouts. Je ne le vois pas pour les TROUBADOURS, car la salle avec fauteuils de cinéma et scène ne conviendrait pas. On cause et je m’aperçois qu’il a étudié à Nancy en 1970, connaît Lang et est un fana du Teatro Campesino qu’il rêve de faire venir à Tripoli. Je lui dis que ce n’est sûrement pas impensable et je lui parle aussi de la SF Mime Troupe. Il parle bien le français, est cultivé et rêve de monter, en forme de conte arabe animé, un spectacle sur les camps fascistes du temps de Mussolini. Je lui dis de faire signe quand il sera prêt.
Cela dit, Piéri a lu LES TROUBADOURS pendant la nuit et je le trouve assez réservé sur le texte. Selon lui, l’aspect croisades, tombeau du Christ, Sarrasins, aura du mal à passer. Bien plus, on est ici pour l’Unité Arabe et il a peur que l’aspect occitan résistant ne soit pas apprécié, d’autant qu’il y a des Berbères qui risqueraient, s’ils comprenaient, de s’identifier aux opprimés du Roi de France ! L’argument selon lequel les Italiens, s’ils étaient restés, auraient pu arriver à détruire la culture arabe, comme ont tenté de le faire les Français en Algérie, n’en est pas un à son avis. Et j’ai beau lui inculquer que les croisades en question étaient, selon le texte de Robert Arnaut, une invention du catholicisme pour mieux asservir les populations de notre hexagone, je ne le convainc pas. Cela dit, il jouera sans doute le jeu du « spectacle musical et spectaculaire », mais il se demande vraiment à quoi songe le Département de téléguider en Libye de tels projets.
Le fameux Abdul Hamid El Mighrab, Président Directeur Général de l’« Organisation Générale du Théâtre, de la Musique et du Folklore », est un important personnage. Il en a la prestance, le volume, l’autorité. Il nous offre le thé et nous octroie  trois quarts d’heure. Il se targue de parler le français, mais heureusement que j’ai Piéri avec moi. Je lui remets un dossier. Il est favorable en principe et l’idée d’une représentation à Sabratha lui sourit. Piéri attire bien son attention sur le fait que cette affaire vient en plus de celles dont il lui a déjà parlé, mais ça ne le dérange pas. Il prendra en charge l’hébergement et les frais locaux. Cependant, la réponse définitive est liée à l’approbation du texte par la censure. « Monsieur Piéri nous aidera à le traduire en arabe ». Mon petit partenaire, dont le crâne chauve ressemble à celui de Xavier Pommeret, se serait bien passé de la corvée. Il fait un pâle sourire et acquiesce, espérant qu’il ne sera pas aussi obligé de traduire l’occitan ! Je devrais avoir un télégramme d’orientation à mon retour à Paris. Pour l’heure, on ne peut pas aller plus loin. La date de principe arrêtée est le 15 juin. Piéri aurait préféré le 16, jeudi veille de vendredi (dimanche libyen), mais avec un départ vers Alger le 17, ça me paraît risqué.
Nous déjeunons en compagnie d’un professeur du Centre Culturel  Français qui a constitué une troupe d’amateurs avec les moyens du bord. Il monte en toute simplicité HISTOIRE DE VASCO. Le repas, arrosé d’eau gazeuse, est meilleur que les précédents avec une flopée d’excellents hors-d’œuvre orientaux. Piéri me demande alors si j’ai envie de voir Leptis Magna. C’est à cent vingt kilomètres, mais cette bonne blague, bien sûr ! Surtout que l’alternative, c’est de voir un spectacle de marionnettes pour enfants à dix-sept heure. El Mighrab m’y avait prié quand je lui avais laissé entendre mon vif intérêt pour les spectacles libyens ! Nous partons donc et je dois dire que la promenade est belle. D’abord, la route de ce côté-ci de Tripoli est beaucoup plus touristique, avec de vraies forêts. Ensuite, le site, moins fouillé que celui de Sabratha, a une austère grandeur, bordé par une mer aujourd’hui déchaînée. C’est le soir. Le soleil décline sérieusement et les colonnes dorées par le couchant projettent des ombres. Emportés par notre volonté de voir le théâtre, nous prenons à travers les broussailles et nous nous retrouvons en zone militaire face à un soldat tout noir qui braque sur nous sa mitraillette et qui ne paraît pas badiner. Mais Piéri a du bagout et finalement un chef nous emmène très gentiment à travers le territoire interdit. Malheureusement, la distance avait été sous-évaluée et nous ne vîmes pas le théâtre, la nuit étant tombée. Piéri était fort vexé de cet acte manqué, mais moi j’étais plutôt content de la ballade vivifiante et de l’imprévu. Au retour, vers vingt-deux heure, je mange à l’hôtel la seule chose qu’on veut bien m’offrir encore : un steack qui doit être de chameau. Je le mâche méthodiquement mais n’en parviens pas à bout.

12.04.76 - Me voici dans un 707 d’Egypt Air assez cradingue. Nous sommes une quinzaine à bord. Le trafic Libye – Égypte n’est pas développé en ce moment. Je quitte la Libye sans regret, mais j’y serais bien resté quelques jours de plus sans m’y sentir mal à l’aise. C’est que les choses y fonctionnent, qu’on vous y laisse vivre sans vous emmerder, qu’on ne s’y sent pas fliqué. Bien entendu, il faut respecter les lois du pays, et notamment s’abstenir d’alcool. Pour ça, c’est vrai, il n’y en a pas une goutte. Les Français que j’ai vus disent qu’à la longue, ça manque. En tout cas moi, je m’en suis très bien passé. Ça ne m’a pas obsédé du tout. Mais que diable, pourquoi sucrent-ils autant leurs jus ? Au lieu d’étancher la soif, ils l’attisent.
À l’envol, on voit à quel point la bande verte le long de la rive est étroite (vingt kilomètres ? Vingt-cinq kilomètres ?) . Au-delà, c’est la rocaille. Le désert, quoi ! Je n’ai rien à lire. J’ai fait rendre son polar à Bergère, à qui j’ai poliment téléphoné hier soir. Je n’aurai pas vraiment dérangé son week-end et quant à Piéri, mon Dieu, il a vite dépassé le stade de la récrimination et s’est montré un partenaire très amical. J’ai peu dépensé d’argent car il a tout voulu payer (sauf l’hôtel que j’ai réglé avec ma carte American Express). Noter que le Dinar Libyen (on dit facilement « Dollar ») vaut dix-sept Francs.
C’est Monsieur Hurlot, Directeur de l’Institut Français, qui m’accueille à l’issue du vol. La descente m’a permis d’admirer de splendides étendues de désert sableux suivies sans transition d’espaces verts aux alentours du Nil.
L’équivalent égyptien de Piéri est de méchante humeur. « On » ne l’a prévenu que ce matin de mon arrivée (il faut dire qu’il était à Assouan depuis dix jours !) et il a bien autre chose à faire que de s’occuper de quelqu’un qui veut faire jouer dans ce pays une troupe en juin. Prévos ne l’a pas consulté quand il a dit OUI pour la période au département. Nous n’aurons « personne ». C’est SON avis. Je m’énerve et je lui mets sous le nez ma lettre du 29 mars annonçant mon arrivée. Ça le calme. C’est la faute à la poste ! Un peu amadoué, il précise qu’il parle pour Le Caire. À Alexandrie, ce pourrait être différent. Beaucoup de « gens » y sont à cause de la mer. On part dans sa voiture, ma valise dans une autre que conduit un chauffeur. Je lui parle des TROUBADOURS, mais il écoute peu. On va attendre sa femme, une Camerounaise, qui suit des cours à l’université. On glande une heure sous le soleil et dans la poussière. (Ici aussi, il y a le vent de sable). Vers treize heure trente, il décide qu’elle doit être partie et me mène chez Prévos. Ou plutôt à sa porte. L’Attaché Culturel déjeune. Il vient me serrer la main dans la rue et me file rendez-vous à son bureau à dix-sept heure. Il me casera entre deux rendez-vous ! Hurlot me fourre dans la voiture du chauffeur et j’arrive à l’hôtel Longchamps, qui m’a été réservé.
C’est un machin médiocre au sixième étage d’un immeuble crasseux, dont les ascenseurs sont en panne. J’ai pitié du pauvre chauffeur et je monte moi-même ma valise. Ne voulant pas ensuite redescendre, je mange au restaurant de l’hôtel une « nouille fraîche maison » (en vérité des coquillettes genre Rivoire et Carré) froide. Je bois une bière infecte. Ma chambre est sale. On se croirait (en moins bien) au Howard Hotel de Londres ! Je me monte quelque peu. C’est probablement l’adjoint de Hurlot, un certain Christian Burghe, qui va me cornaquer. C’est un spécialiste, puisque c’est lui l’organisateur pour les deux troupes d’amateurs qui se sont constituées l’une au Caire, l’autre à Alexandrie. Espérons qu’il aura le temps. Ce n’est pas sûr. Lui aussi, n’est-ce pas, a d’autres choses à faire. Je crois que tout à l’heure, en tout cas, moi, je vais me fâcher si ces messieurs n’ont pas résolu entre eux le problème de qui me présentera demain au responsables égyptiens. C’est qu’ils sont tous pris par un important meeting relatif à une affaire ayant trait, je crois, à la construction d’une aile (ou d’un étage, ou de je ne sais quoi, moi aussi j’en ai marre d’écouter quelquefois et je la trouve saumâtre de mariner dans ma sueur sans baignoire) au Centre Culturel. À leurs yeux, je suis vraiment le voyageur de commerce. Où est l’accueil libyen ? Deux heures passent. Je prends une douche (ou du moins j’essaie, car l’eau coule bouillante et l’eau froide ne marche pas). Je vois que ça me coûtera six Livres cinquante dans ce trou à rats (au Méridien, ce serait trente-trois Livres paraît-il). La Livre a un cours noir et un officiel. Pour cent Francs, on a huit Livres à l’officiel et quatorze ou quinze Livres au noir. Je fais une sieste, puis un gros monsieur égyptien vient me chercher pour m’amener à Prévos qui m’attend. Le gros monsieur est Directeur Adjoint du Centre Culturel. Il m’explique qu’il date du temps d’avant 56, quand la bonne société égyptienne était francophone. « En avons-nous eu des grands artistes, à cette époque, Sacha Guitry, Jouvet, la Comédie-Française »…
Prévos est un bellâtre dans les trente-cinq ans. Hurlot devait venir à notre entretien, mais il téléphone qu’il ne peut pas quand je suis déjà dans le bureau. Je me dis que je dois me mettre en colère et je m’y mets. Je lui dis que s’ils ne veulent pas des TROUBADOURS, ils n’ont qu’à le dire. « Mais pas du tout, ce n’est pas ça, c’est juin qui… Ça aurait été tellement mieux en avril… » Je lui fais remarquer qu’on est le 12 avril, qu’on a reculé parce que les Algériens disaient que c’était le mois des vents de sable, et que ledit vent m’a suivi de Tunis à Tripoli et que je le retrouve ici. Qu’est-ce qui se serait passé s’il avait fallu jouer ce soir ? Il n’en disconvient pas.  Bon, il m’a arrangé un rendez-vous demain à douze heure trente avec Saad Ardache, Directeur du Théâtre et de la Musique. Il tâchera d’y être. De toute manière, LES TROUBADOURS sont inscrits au programme de la commission mixte franco-égyptienne. C’est donc une affaire où les parties ne peuvent plus reculer. Ah bon ! Reste quand même à jouer les « détails ». Où jouera-t-on ? (À neuf heure trente, paraît-il, Monsieur Burghe viendra me chercher pour me montrer des lieux auxquels il a pensé. Aurait-il donc pensé ?). Ça pour le Caire. Pour Alexandrie, c’est peu probable que j’aie le temps d’y aller. (On verra -n’oublions pas que je suis censé aller dans le Delta voir un spectacle pour Nancy. C’est Hurlot qui a communiqué le dossier à Patrick. MAIS IL N’A PAS VU ce que fait cette troupe). Autres villes ? Il n’y en a pas de possibles, m’affirme Prévos. Il m’invite à déjeuner pour demain. (Nous progressons).
À dix-huit heure trente, je le quitte et vais à pied à l’hôtel Hilton (où Egypt Air a ses bureaux) pour me faire reconfirmer. J’avais un moment songé à prolonger d’un jour, si c’était possible, mais ça ne servirait à rien puisque vendredi est dimanche ici aussi. Je ne me plais pas dans mon hôtel et la ville ne me séduit pas. Pourtant, à côté de Tripoli, c’est Buenos Aires auprès de Tirana et, à côté de Tunis, c’est Milan après Belgrade. Ça rutile de superbes boutiques. Les avenues sentent la richesse (je parle du centre, car je n’ai pas parcouru les quarante kilomètres de diamètres de la ville où vivent, m’a dit le gros Égyptien, huit millions de personnes !). Trompeuse apparence. Ce luxe est clinquant, insolemment, étalé sur un peuple misérable, et survivance de toute manière d’un passé que seuls entretiennent les étrangers. Le Caire fait songer à un château en Espagne qui se serait concrétisé. La Libye est autrement attachante. L’aliénation occidentale ne l’a pas atteinte par ses aspects capitalistes extérieurs.
À noter que le gros Égyptien m’a montré de loin des espèces de machins triangulaires noirâtres qui m’ont fait penser à ces montagnes qui poussent dans le nord de la France, près des mines de charbon. Ce sont les pyramides. (Mais j’irai y voir de plus près).
J’écris ça depuis le vingt-troisième étage du Sheraton, où je suis allé boire un whisky à l’eau plate de javel. Sous mes pieds coule le Nil qui est un beau fleuve, on ne peut pas dire le contraire. Les klaxons des bagnoles montent jusqu’ici avec vigueur. Je crois que je vais manger un morceau et me coucher.
Demain, il y a beaucoup de « détails » à arranger. Dates ? On a parlé des 11 et 13 juin. Finances ? Qu’apporteront les Égyptiens ? Le séjour ? Les frais locaux ? (Camions, douanes, voyage d’Alexandrie ?). Quel cachet paiera le Centre Culturel ? Quoi en Dinar, quoi en Franc (ils ont un C.C.P. à Nantes, les coquins) ? Douanes ? (Il paraît que c’est très long, mais que l’Ambassade peut tout rentrer et sortir sous son couvert)… Je mange un pigeon grillé au riz à l’Orientale. C’est délicieux.

14.04.76 - Il fait toujours gris et de plus en plus froid. J’ai rendez-vous à douze heure avec Prévos pour aller rendre visite à Anouar Naffa, Sous-Secrétaire d’État au Ministère de la Culture, chargé des relations publiques. En attendant, je glande dans les rues polluées du Caire. Tout le monde est ponctuel et l’entretien commence à l’heure. Il commence par un drame : Hurlot a fait demander des autorisations pour que nous puissions aller dans le Delta aller voir le spectacle d’Abdel Aziz Makhyoun. Or Anouar Naffa REFUSE de délivrer ce sauf-conduit sans lequel le voyage est impossible (me dit-on) : « Je suis mal informé. Aziz n’est plus là depuis trois ans (je tourne ma langue dans ma bouche pour ne pas dire que je l’ai vu hier). Il n’y a PAS de spectacle. Je ne verrais RIEN. D’ailleurs quelles idées a-t-on à Nancy ? Aziz est un communiste. Si je veux, il y a d’excellents spectacles en Égypte à inviter. » Prévos est pâle devant cette sortie qui semble sous-entendre que l’Ambassade de France soutient des opposants. Et il se dépêche de s’excuser, et de m’excuser, en disant « qu’on ne savait pas » et qu’il est « très surpris d’apprendre qu’ Hurlot s’est fait intermédiaire d’une telle manœuvre »… Le coupable n’étant pas là, en prend pour son matricule, et moi je suis dans une situation délicate, car insister serait compromettre l’affaire pour laquelle la France m’a payé mon voyage, à savoir LES TROUBADOURS.
On y arrive. « Passons aux choses sérieuses », dit Anouar Naffa. Bon… Pour des raisons économiques, il faudra se contenter d’une représentation au Caire le 11 juin et d’une à Alexandrie le 13. L’Égypte, pour sa part, paiera les séjours dans un hôtel de première classe (« full accommodation »), les transports intérieurs, la publicité, et donnera la moitié du cachet, soit mille Livres égyptiennes (qu’il sera souhaitable de dépenser au maximum sur place). En vérité, comme il y a deux, et même trois taux de change (l’officiel, le taux d’encouragement réservé aux touristes, et le parallèle), ces mille Livres ne feront que six mille Francs environ. Prévos, en sortant, me dit qu’il pourra allonger trois mille Francs de plus et se débrouiller pour transférer ce reliquat (ce que les Égyptiens ne peuvent pas faire). L’effort d’Anouar Naffa est réel. D’autant plus que les spectateurs ne payent rien. C’est la tradition ici : les manifestations invitées officiellement de l’étranger sont offertes gratuitement au peuple !!! L’Égypte, n’est-ce pas, et comme cela saute aux yeux, est un pays « Socialiste » ! En vérité, les camarades de Constant donneront deux soirées sur invitations, et n’entrera pas qui voudra ! À noter qu’à Alexandrie, ils ne joueront pas dans le couvent auquel avait pensé Prévos. Les Égyptiens ont pensé à un cours de tennis dans un club. Ce serait très bien, paraît-il. Prévos n’insiste pas sur son idée. Il pense sûrement qu’il vaut mieux rester en terrain musulman. J’ai essayé, avant de quitter le bureau d’Anouar El Naffa, de remettre sur le tapis mon voyage dans le Delta. Mais Prévos coupe l’entretien. Salamalecs. On sort après avoir vidé nos tasses de café. Il me dit qu’un des coups de téléphone (en arabe, bien sûr) passé par le Sous-Secrétaire d’État durant notre visite, avait été pour Saad Ardache (car nous lui en avions parlé hier et il avait paru trouver mon intérêt pour ces villageois très sympathique) et que ce dernier s’était fait copieusement engueuler.
Je déjeune chez Burghe comme prévu (des bons beefsteacks). Il a une petite fille de quatorze mois beaucoup moins jolie que Catherine, mais gentille. Ça me rappelle que je rentre demain et que je n’en suis pas mécontent. Se pointent Hurlot, la femme d’Aziz et une autre nana qui devait être du voyage dans le Delta. Ils sont déjà au courant. Prévos a passé son savon à Hurlot. La femme d’Aziz est en larmes. Moi, je dis qu’on n’a qu’à partir quand même et qu’on verra bien ! MAIS Hurlot dit qu’il n’en est pas question avec sa voiture diplomatique, et que d’ailleurs Prévos le lui a interdit. Je demande à la fille s’il y a d’autres moyens. Oui, il y en a, le train et le taxi, mais il sera impossible de rentrer de nuit et il est exclu que je couche au village ou dans la région, car les flics me repéreraient. D’ailleurs, à quoi bon maintenant : il est clair que le gouvernement ne laissera pas partir le groupe, encore moins lui paiera le voyage. Elle le savait bien qu’elle et lui étaient fichés comme de gauche, mais elle ne pensait pas qu’on en était là en Égypte. C’est vrai qu’elle avait déjà eu des problèmes, parce qu’elle avait une fois demandé à Vitez une lettre officielle pour obtenir un passeport. Il l’avait envoyée sur papier du Conservatoire et « on » lui avait dit : « Qu’est-ce que vous voulez aller faire à Ivry ?... » Je me demande si nos partenaires savent qu’Ivry et La Courneuve, pour ce qui est de la couleur… !!!
Cela dit, je lui demande quand ses paysans ont joué pour la dernière fois. « Il y a un an », me répond-elle. Voilà pourquoi Aziz à cette heure-ci doit être en train de répéter dare-dare.
Je propose encore de partir à l’aventure avec elle si elle trouve une bagnole. Mais elle dit qu’au village, il y aurait une dénonciation et que ce serait mauvais pour eux. Je n’insiste plus. Burghe m’emmène (ça ne remplace pas) chez Mouton, le gentil adjoint de Gachet à Tunis. Il a exprimé le désir de me voir. Je passe la journée et je dîne chez cet homme charmant, qui habite à vingt kilomètres du Caire dans une oasis pour riches. Je me couche à vingt-trois heure, mais ce soir jeudi, c’est samedi, et le dancing fonctionne jusqu’à une heure tardive. Mouton m’a prié de dire à Gachet qu’il va bien, ne fait plus « d’Action Culturelle », se cantonne dans son rôle qui consiste à former à l’accéléré des professeurs de français. Il ne rappelle pas des Égyptiens. Il me parle longuement de l’effroyable misère de ce peuple, dont quatre-vingts pour cent ne survit que grâce au pain et aux fèves que le gouvernement fait distribuer pour presque rien. Le riz est un plat de luxe. La catastrophe guette ce pays : le coton, principale richesse, est détruit par un phylloxera que les savants ne parviennent pas à juguler. Le barrage d’Assouan, en supprimant les crues du Nil, a fait disparaître le limon millénaire. Etc… Etc…

15.04.76 - Je garde la chambre le matin pour rédiger ces notes. Hurlot me fait envoyer la voiture à onze quinze. Le chauffeur charge ma valise, puis m’emmène… à l’hôtel Méridien. Le Directeur du Centre Culturel veut sans doute m’inspirer des regrets, car ici, évidemment, à la pointe d’une île sur le Nil, la vue est belle. Cela dit, l’entretien languit. Il me raconte qu’il a tous les permis de conduire, y compris celui d’avion de tourisme. Le chauffeur me dépose à l’aéroport. Je m’y démerde. L’animation est considérable, c’est la foire d’empoigne et je manque prendre l’avion pour Khartoum au lieu de celui de Paris. L’avion, (le bon), part enfin, avec vingt-cinq minutes de retard. Il est plein. Il y règne une atmosphère d’excitation. Des « prolétaires » rentrent du Club Méditerranée et autres chemins de la joie ! Vache, Egypt Air n’a embarqué ni une bouteille de whisky, ni une de vin, ni une de bière. Je mange donc mon poulet au riz en buvant du jus d’orange (car il n’y a pas d’eau non plus). Le vol est long. Quatre heures et demie.
Y a-t-il une leçon à tirer de ce voyage ? Oui, et c’est une fois encore que ce genre de tournée, téléguidé par Paris et arrangé par nos ambassades, est une complète aberration. Il n’y a pas trente-six vérités : c’est NOTRE principe qui est le bon, qui consiste à susciter des demandes d’autochtones (mais je l’écris, pourquoi ? Je l’ai dit cent fois). Au lieu de payer la tournée en Égypte et en Libye des TROUBADOURS qui ne touchera pas les peuples de ces pays, Brigitte Perrault aurait mieux fait de subventionner l’opération Modène qui sera déficitaire, ou celle de Barcelone qui est commercialement inviable. Aider à se faire (ou à se faire normalement) des tournées voulues, réclamées localement, voilà quelle devrait être la ligne de l’Action Artistique. Mais nous le savons bien, déposer des demandes dans cette optique revient à se faire toujours refuser le soutien. Nous nageons dans l’absurde. D’un autre côté, il est clair que ce genre de voyage ne peut pas résoudre tous les problèmes. Ou alors il faudrait rester quinze jours dans chaque endroit. Et encore, puisque l’intendance ne suit que quand les responsables ont le nez sur l’événement. Dominique Brodin ne doit donc pas s’attendre à une organisation de type occidental. Il résoudra les questions, à la hussarde, sur place. Tout ce que je peux lui promettre, c’est que RIEN depuis Paris n’aura été laissé au hasard par courrier. À lui ensuite de tout vérifier, susciter, re-contrôler, solliciter, exiger voire modifier en fonction de ce qu’il trouvera sur le terrain. Pour ce genre d’épreuve, il faut une administration qui sache garder derrière lui une troupe au front serein. Car les rapports d’Ambassade sont méchants (et cela retentit sur l’avenir) lorsque l’impatience crée des frictions. Toujours se rappeler que, quoi qu’il arrive, le spectacle doit être donné par des artistes y apportant leur maximum. Pierre Constant, personnellement, peut se permettre (si ça ne va vraiment pas) de frapper du poing sur la table à bon escient.
Voilà. Maintenant on va faire un devis prévisionnel fondé sur des probabilités rapprochées. Le poste recette, si tout se concrétise, pourra (Sonatrach incluse évidemment) atteindre cent mille Francs. C’est inespéré. Merci Monique (pour l’Algérie), merci Moi (pour les trois autres pays)… Mais pour une partie de plaisir, ça n’en a pas été une et ça n’en sera pas une pendant la tournée pour l’administrateur. Ce sera quand même (ça a été) un beau voyage intéressant

Publié dans histoire-du-theatre

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