PRÉAMBULE
QUI SUIS-JE ?
Un vieux monsieur de 84 ans
Un vieux monsieur de 84 ans
C’est à l’Automne de 1970 que j’ai commencé à rédiger systématiquement des compte-rendus sur des spectacles vus par moi la veille au soir.
Ces « critiques » n’ont jamais été publiées. Je les écrivais à usage interne
Cela ne signifie pas bien entendu que j’aie commencé seulement à 47 ans à m’intéresser au théâtre.Mais je ne peux pour la période antérieure me fier qu’à des souvenirs. Beaucoup sont personnels. Ils feront l’objet d’un éventuel roman auto-biographique racontant sous le titre
« l’indifférence et la curiosité » mon parcours singulier à travers les méandres de la vie.
Un certain théâtre, qui passe par Charles Dullin, André Clavé,Jean Marie Serreau, Roger Blin, Eugène Ionesco, Arthur Adamov, Jean Vauthier, Sacha Pitoeff grâce à qui j’ai découvert comment il fallait jouer Tchékhov, et puis plus tard Antoine Vitez, Patrice Chéreau, Roland Dubillard et sa « metteuse en scène conflictuelle Arlette Reinerg », André Cellier qui refusait d’arrêter de jouer « QUE FEREZ VOUS EN NOVEMBRE ? » de René Ehni en Mai 68 alors que toute la profession se mettait en grève parce qu’il lui semblait que l’œuvre était prémonitoire des lendemains qui se sont révélés, y est lié.
Ce qu’on appelle « le boulevard » en est absent.
Pour quelle raison prenais-je ces notes ?
Mon métier étant d’organiser des tournées dont l’ambition avait été dès 1953 de promouvoir à travers la France, et puis bientôt l’Europe et le monde, ce qu’on appelait l’Avant – garde, c’est à dire selon la boutade de Ionesco « ce qui marche en avant du gros des troupes », il fallait bien que je voie des spectacles.
Je le faisais donc par devoir professionnel, mais aussi par plaisir.Rêvant d’une société différente,longtemps étayée sur le modèle d’un communisme idéalisé, mon repère essentiel de jugement était politique.Mais pas seulement.J’entendais qu’un discours me soit tenu, pas forcément un message allant dans le sens de mes convictions. D’ailleurs les nécessités de mon métier m’obligeaient parfois à composer dans mes choix avec mes rêves d’un autre avenir humain.
Cela ressort de certains carnets de voyages que je crois utile de glisser au milieu de ces critiques, ne serait ce que pour expliquer des trous dans mes explorations de spectacles. Je les crois d’ailleurs croustillants.
Le label « avant garde » était devenu obsolète au moment où je commence cette relation écrite car la mouvance avait changé de nature, le « pouvoir » ayant cessé d’être celui des auteurs écrivant dans la sérénité de leurs solitudes et livrant leurs œuvres écrites à des serviteurs chargés de les rendre vivantes : depuis les « assises de Villeurbanne organisées en Mai 1968 par ceux qui allaient devenir les barons de la décentralisation une tendance s’était dessinée : Désormais le POUVOIR serait aux CRÉATEURS c’est à dire aux metteurs en scène et aux dramaturges, à charge pour eux de livrer à « LEURS » publics des « relectures » de leurs crus des choses écrites.
Il a bien fallu que j’accepte cette ligne de force. Vous verrez à travers des commentaires a-posteriori, comment au fil de ces petits textes mon enthousiasme des années 71 est allé s’estompant jusqu’au jour où, en Juillet 1999, j’ai mis un point final à cet hommage à ma mémoire d’un théâtre que j’avais aimé.
André Gintzburger